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quelques dehors de modération, il envoyait avec son escadre un ministre plénipotentiaire, M. Egaña, chargé de proposer un accommodement. C’était le 31 octobre 1836 que l’escadre chilienne arrivait au Callao. Le général Santa-Cruz, qui sentait que son pouvoir ne pourrait s’affermir que par la paix, consentit à recevoir M. Egaña. Les conférences s’ouvrirent ; mais on dut bientôt voir qu’il serait impossible de s’entendre. Le Pérou ne pouvait pas accepter les conditions humiliantes que voulait lui imposer le Chili, et M. Egaña se refusait à toute concession. Faisant une dernière tentative pour la conservation de la paix, Santa-Cruz lui proposa alors de soumettre leur différend aux agens diplomatiques étrangers résidant à Lima et de s’en rapporter à leur décision. Cette ouverture fut repoussée comme les autres, et dès-lors la guerre devint inévitable entre les deux républiques. Elle fut déclarée le 28 décembre 1836, et, peu de temps après, le gouvernement argentin s’unit également au Chili pour renverser la confédération.

Les préparatifs de guerre n’empêchèrent pas Santa-Cruz de s’occuper activement de l’organisation définitive des trois républiques unies. Il savait en effet qu’il pouvait avoir bien plus à craindre de ses ennemis intérieurs que de ses ennemis extérieurs. La marine chilienne était sans doute supérieure à la sienne, surtout depuis la capture des trois navires surpris par l’Achille ; mais le Pérou et la Bolivie pouvaient mettre sur pied une armée considérable et défendre aisément tous les points de leurs côtes ouverts à l’invasion. Toute la question pour lui était donc dans la conservation de la tranquillité intérieure. Aussi, le vit-on courir incessamment du nord au sud, du Pérou dans la Bolivie, sur tous les points de l’immense pays qu’il gouvernait, partout où il pensait que sa présence pouvait être nécessaire. En même temps, une assemblée fut convoquée à Tacna pour rédiger la constitution des républiques fédérées. Le général Santa-Cruz s’y rendit tant pour la présider que pour réunir ses forces dans le sud et faire ses préparatifs de défense contre les tentatives d’invasion probables de la part du Chili.

L’assemblée de Tacna confirma à Santa-Cruz le titre de protecteur de la confédération que lui avaient donné les assemblées de Sicuani et de Huaura. En laissant du reste à chacun des trois états son gouvernement particulier, elle établit un gouvernement général, composé d’un congrès divisé en deux chambres électives, qui se réunissaient tous les deux ans dans chacune des trois républiques alternativement. La nomination du protecteur suprême appartenait au congrès, et devait être renouvelée tous les dix ans ; mais le protecteur sortant pouvait être réélu. Telles étaient les principales dispositions de la constitution votée à Tacna ; il ne restait plus qu’à la faire ratifier par chacun des trois états. Malheureusement des difficultés se rencontrèrent là précisément où on devait le moins s’attendre à en trouver. Pendant l’absence de Santa-Cruz,