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La paix intérieure était partout rétablie, et il ne restait plus à Santa-Cruz qu’à consolider son ouvrage. Malheureusement de nouvelles difficultés, auxquelles il ne s’attendait pas, devaient lui venir de l’étranger. Le Chili, qui avait profité des troubles du Pérou pour appeler dans ses ports presque tout le commerce de l’Europe, dont Valparaiso était devenu comme le vaste entrepôt, le Chili craignit de perdre cet avantage, si la tranquillité se rétablissait à Lima. Santa-Cruz venait d’ailleurs de rendre un décret qui l’atteignait directement en soumettant à une forte augmentation de droits les bâtimens qui avaient touché dans l’un de ses ports avant d’entrer dans un port du Pérou. Évidemment, un grand nombre de navires allaient désormais se rendre en droiture au Callao, qui leur offrait le marché du Pérou et de la Bolivie réunis, beaucoup plus riche, beaucoup plus considérable que celui du Chili. C’était là, pour cette dernière république, une question de la plus haute importance. Elle n’y vit d’autre solution que la ruine du gouvernement fédéral et la chute de Santa-Cruz. La guerre fut résolue ; les prétextes dès-lors ne pouvaient manquer.

Le général Freyre, ex-président de Santiago, exilé au Pérou, avait armé secrètement au Callao deux navires avec lesquels il avait tenté de débarquer sur les côtes du Chili pour y renverser l’administration du général Prieto. Il est difficile de supposer que le général Santa-Cruz ait ignoré les projets du général Freyre, mais il est certain aussi qu’il ne lui prêta aucun appui. Le Chili n’en crut pas moins devoir user de représailles, et, bien que Freyre eût échoué dans son entreprise, il envoya au Callao un bâtiment de guerre, le brick l’Achille. Entré comme navire ami et sans que personne pût avoir le moindre soupçon de ses projets, le brick chilien saisit, pendant la nuit du 21 au 22 août 1836, trois bâtimens de guerre péruviens, qui se laissèrent surprendre dans leur propre rade. Or, non-seulement aucune déclaration de guerre n’avait eu lieu, mais aucune réclamation même n’avait été adressée au Pérou par le gouvernement de Santiago pour l’affaire du général Freyre. Ce ne fut que le lendemain de cet acte de piraterie qu’une note du commandant du brick l’Achille fit savoir à Lima que la capture de ces trois navires n’était que le prélude d’hostilités plus sérieuses. On comprend quel effet dut produire cette étrange déclaration. Dans le premier moment de sa colère, le général Santa-Cruz fit arrêter le chargé d’affaires chilien. Celui-ci ne tarda pas, il est vrai, à être remis en liberté ; mais il reçut en même temps ses passeports avec l’ordre de quitter immédiatement le territoire de la république.

Cependant le Chili, pour soutenir les menaces du commandant de l’Achille et continuer les hostilités, envoya une escadre sous les ordres de l’amiral Blanco, qui ne tarda pas à paraître à l’entrée de la rade du Callao. Il voulait évidemment la guerre ; pour garder du moins