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s’étendaient les symétriques bois d’oliviers qui se perdent à la vue comme l’horizon sur la mer, et, devant moi, comme fermant le tableau, apparaissaient couronnés de nuages rosés les coteaux sur lesquels repose l’antique Carmona… Autour et au loin se succédaient les collines ou s’ouvraient les vallées, théâtre des exploits des descendans ou des rivaux de Francisco Esteban, de Nebron, des sept enfans d’Ecija, de José Maria, Caballero et cent autres, rois des monts et des chemins de l’Andalousie ; enfin, entre les arbres, et vaguement éclairés d’une lumière de pourpre et d’or, se laissaient voir les créneaux moresques de ton château… » Mayrena est ce que le solitaire appelle une sorte d’université populaire de l’Andalousie, où se maintiennent les saines traditions, où se retrouvent dans leur pureté et sans aucun mélange d’influence étrangère les usages et les costumes ; elle renferme ce jour-là, elle résume l’Andalousie « dans son être, sa vie, son esprit, son essence. » Rien même n’y rappelle un autre monde et nul ne s’y hasarde, Espagnol ou étranger, qui n’ait revêtu l’habit andalou. Là, les raffinemens de la civilisation n’exercent point leur tyrannie ; la liberté règne ; c’est une fête universelle où les plaisirs sont à la portée de tous. À côté des fruits laborieusement préparés et surchargés de parfums, se rencontrent l’orange et les sucreries de tradition arabe et ces beignets que vendent les gitanas chamarrées de fleurs dans leurs campemens bizarres. Voyez. Au milieu de la foule, passer dans sa bonne grace andalouse cette jeune fille, Basilisa, montée avec son amant sur un cheval paré, lui aussi, de tous les ajustemens nationaux, un de ces chevaux, fils de l’air et du feu, qui conservent dans leur veine la pureté du sang oriental ! Basilisa est la reine d’un jour de Mayrena. Le bien-être est le signe dominant de la feria andalouse ; une sorte d’égalité charmante s’y montre dans l’animation de la vie et ajoute à l’intérêt qu’y trouve l’observateur. Chaque avril rayonnant voit se renouveler ces assises populaires et renaître cette fête de la démocratie pratique. Dans les pages que le solitaire consacre à la feria de Mayrena la réalité des mœurs prend le caractère d’une vive et poétique légende.

L’auteur des Scènes andalouses vous fait passer ainsi à travers bien des incidens curieux où se révèle l’originalité de l’Espagne méridionale. Je ne reproduirai point le récit d’une course de taureaux, assez souvent renouvelé. Le solitaire vous expliquera seulement ce que ce spectacle a de profondément national et de nullement barbare. Mais prenez quelques autres Scènes de M. Serafin Calderon, la Danse antique, le Bolero, un Bal à Triana. Ces esquisses touchent à une passion non moins vivace dans cette ardente Andalousie. La danse, on le sait, est une poésie en Espagne, une poésie en action qui enivre le regard, émeut les sens, entraîne l’imagination. Le solitaire a écrit sur cette poésie quelques pages où la dissertation sérieuse côtoie la description enflammée, et où une sorte de science, si l’on peut ainsi parler de ces