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— original par son ciel, par son esprit, par ses mœurs, par ses costumes et tous ces types bizarres qui se groupent étrangement sous vos yeux. L’auteur des Scènes andalouses a des prédilections pour ce monde de héros populaires nés entre Ecija, Cordoue, Cadix et Séville, « de beaux chanteurs, de joueurs de guitare, de relanceurs de taureaux, » de majos au chapeau calañez, à la veste de velours brodée. Il affectionne singulièrement dans ses peintures cette vie d’indépendance universelle et pratique où règne l’abandon, l’émulation du plaisir, où la foule se répand à certains jours dans une feria, laissant éclater ses passions et ses goûts, et où on s’oublie dans une sorte d’ivresse orientale en suivant les mouvemens d’une danse entraînante, au chant de quelque romance d’une indicible mélancolie ou d’une saveur picaresque. Ces tableaux pittoresques, — la Feria de Mayrena, la Rifa Andaluza, Un Baile en Triana,-que sont-ils autre chose que la poésie des mœurs populaires de l’Andalousie ? Il y a bien dans cette fougueuse organisation méridionale un autre trait de caractère glorieux et rare, et que le véridique solitaire ne petit oublier. « L’Andalou, dit-il dans son esquisse sur Manolito Gasquez le Sévillan, l’Andalou est le roi de l’inventif, du multiplicatif, de l’augmentatif Quand il raconte, il faut couper, rogner, rabattre, soustraire et extraire encore la racine cubique de ce qui reste… » Mais cette faculté merveilleuse d’invention, aux yeux de l’auteur, ne tient point à un instinct pervers de dissimulation et de mensonge ; elle a sa source dans la vivacité de l’imagination, dans la puissance irrésistible de la fantaisie. « L’Andalou, ajoute le solitaire, voit, imagine et pense d’une certaine manière, et son langage reproduit le mouvement de ses impressions. » Joignez à ceci, d’ailleurs, que l’Andalousie, au fond, n’en est pas moins une des provinces les plus réellement fécondes, les plus productives de l’Espagne, et que de son sein sortent encore les premiers hommes d’état, les premiers généraux contemporains.

La vie extérieure, on le sent, a une grande place en Andalousie ; c’est ce qui explique cette originale animation de certaines fêtes populaires, de certaines réunions. Voyez cet immense et pittoresque concours de monde attiré par la foire de Mayrena, qui a lieu au mois d’avril : on s’y rend de tous les points du royaume méridional, depuis le Xenil jusqu’aux frontières de Portugal, depuis la sierra Morena jusqu’à Tarifa et à Malaga ; ce ne sont point seulement les marchands qui accourent, ce sont surtout les curieux, « ceux qui vont vivre pendant trois jours de plaisir et de vapeur dans ce centre de sensations neuves et variées. » L’auteur des Scènes andalouses décrit ce mouvement avec une verve poétique qui reproduit aussi l’aspect naturel des lieux. « Ah ! Mayrena, dit-il, Mayrena de l’Alcor ! je me souviens du jour où j’arrivai de Séville à ta riche et populeuse feria. Un soleil clair et doux donnait la vie au beau paysage d’Alcala de Guadaira… d’un côté et de l’autre