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assez étroites, le monde n’en a pas moins beaucoup entendu parler d’elle, et je crois qu’il a lieu d’en conserver plus de bons que de mauvais souvenirs.

À travers toutes les variations du quakerisme, et au plus fort même de ses controverses, il est un point sur lequel il n’a jamais varié. Toujours il a cru et enseigné que la bonne règle était de moins s’inquiéter de ce qu’il fallait penser pour s’occuper davantage de ce qu’il était bon de faire. Si d’ordinaire il est dangereux de juger en bloc toute une masse d’hommes, il y a exception à l’égard des Amis. Partout on les a trouvés soumis à la loi, paisibles et probes, rigides observateurs de la parole donnée. Leurs meetings, je l’ai dit, veillent sur la moralité de chacun ; ils exigent que tout commerçant fasse régulièrement son inventaire de fin d’année ; ils s’assurent si leurs administrés sont scrupuleux à ne frauder en rien le fisc. Cela n’est rien encore. Isolée dans ses particularités, enrégimentée en quelque sorte par sa discipline, la secte entière des Amis a été comme une libre corporation d’hommes spécialement associés pour se vouer à la charité. Nation à part au milieu des nations, elle a eu ses maximes, comme on disait au siècle dernier. Le devoir de s’assister mutuellement et l’éducation des enfans avaient été dès le début une des parties essentielles de sa religion. Fox lui-même recommandait d’élever la jeunesse dans la crainte du Seigneur et la connaissance des choses utiles. En tête de son projet de constitution, Penn écrivait plus tard ces paroles d’une si haute raison « Les gouvernemens dépendent plutôt des hommes que les hommes des gouvernemens. Quand les hommes sont bons, le gouvernement ne saurait être mauvais ; s’il l’était, ils le corrigeraient. En conséquence, le premier soin doit être de propager la sagesse et la vertu par l’éducation des enfans. » Ces préceptes, la société ne les a pas oubliés. Dès le XVIIIe siècle, il eût été difficile de rencontrer un quaker qui ne sût pas lire. L’instruction donnée dans les écoles des Amis est simple ; elle embrasse seulement le nécessaire : les devoirs religieux et moraux, la langue maternelle et le calcul. Chez eux, pour tout dire, l’éducation est un moyen de moraliser et non de développer les prétentions. Ce qu’elle peut faire en ce sens, ils ont l’honneur de l’avoir senti et réalisé bien avant que l’opinion publique se fût éveillée sur les dangers de l’ignorance ou d’une instruction toute spéculative.

Il y a, en outre, dans la société des traditions qui font loi. Fox connaissait par expérience l’état effrayant des prisons, les diaboliques ébats du vice dans ces repaires d’immondices et d’immoralités, et l’amélioration du sort des prisonniers, leur conversion plutôt ne cessait de le préoccuper. Les nègres avaient également ému sa charité durant son voyage en Amérique. Partout sur son passage, il engageait les colons à traiter leurs esclaves avec douceur, à prendre soin de leur ame,