Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois hommes, c’était le plus médiocre qui arrivait au pouvoir. Santa-Cruz avait en lui quelques-unes des qualités d’un chef de gouvernement, et il se dédommagea bientôt de cet échec en se faisant nommer président de la Bolivie. Quant à Lafuente, né d’une mulâtresse et d’un Espagnol d’Aréquipa, il offrait en sa personne le type d’un de ces créoles actifs et entreprenans qui suppléent à l’insuffisance de l’éducation première par une rare vivacité d’intelligence. Lieutenant d’abord dans l’armée espagnole, il était devenu capitaine, puis colonel en se ralliant aux patriotes, et général en organisant des pronunciamientos militaires. Du reste, officier médiocre, Lafuente avait laissé plus d’une fois soupçonner son courage.

La présidence de Gamarra mécontentait trop d’ambitions pour ne pas attirer sur le Pérou de nouveaux orages. Une insurrection militaire, ayant éclaté, en 1830, au Cusco, ne put être étouffée que dans le sang de son chef, le colonel Escobedo, qui fut pris et fusillé avec les principaux conjurés. Des troubles nombreux éclatèrent sur divers autres points du territoire, et Gamarra n’atteignit le terme légal de son pouvoir (18 décembre 1833) qu’à travers des embarras de toute sorte. Le congrès élut alors le général Orbegoso.

Orbegoso appartenait à une des meilleures familles du Pérou, ce qui lui valut d’abord les sympathies de toute l’ancienne aristocratie espagnole, très puissante encore par ses richesses et son influence morale. Aucun des prédécesseurs d’Orbegoso à la présidence n’avait pu obtenir le concours de cette aristocratie. Jusqu’à ce jour, en effet, la plupart des hommes portés au pouvoir par la révolution n’appartenaient pas même à la race blanche. Jeune encore et doué de toutes les qualités brillantes qui plaisent aux masses, Orbegoso, déjà soutenu par l’aristocratie, se fit dans le peuple même un parti considérable. Sa présidence commença sous de favorables auspices. Une conspiration militaire, ourdie par l’ex-président Gamarra et le général Bermudez, avait intimidé un moment la capitale ; mais ce court triomphe ne servit qu’à mieux constater l’influence d’Orbegoso. Bientôt la population montra quel cas elle faisait de la pression des baïonnettes ; elle se souleva tout entière, chassa la garnison après une lutte sanglante, et ramena en triomphe le président, qui s’était retiré, pendant le combat, dans la forteresse du Callao (28 janvier 1834).

C’était là, on pouvait le croire, une manifestation significative ; ce n’était pourtant que le début de la guerre civile. Gamarra, qui avait organisé la conspiration, se maintenait dans l’intérieur du pays à la tête de forces considérables. La situation demeurait donc, malgré les événemens de Lima, assez grave pour nécessiter des mesures extrêmes. C’est à ce moment qu’un homme, qui devait plus tard jouer le premier rôle au Pérou, essaya de se mêler comme acteur au drame commencé