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suit, et là encore se charge de tous les soins du ménage. Si l’ordre de partir est donné de nouveau, elle se remet gaiement en route. La marche d’une armée péruvienne escortée de ces femmes intrépides ressemble assez à une de ces migrations des anciens peuples indiens chassés de leur territoire par les empiétemens de la race blanche. Ce ne sont pas des régimens, ce sont des populations tout entières qu’un général péruvien traîne derrière lui.

Rivalités de villes, rivalités de races, mauvaise organisation de l’armée, voilà trois grandes causes de désordre. L’histoire du Pérou depuis l’émancipation nous les montrera exerçant tour à tour, et quelquefois simultanément, leur funeste influence. Ce pays serait-il donc condamné à d’éternelles agitations, à des luttes toujours renaissantes ? Je ne le crois pas, et, pour répondre à cette question, il me suffira, après avoir raconté ses révolutions, d’indiquer aussi les germes de prospérité, de progrès matériel et moral, qui semblent près de s’y développer.


III

Le premier de ces dictateurs éphémères qui se succédèrent si rapidement à la tête de la république péruvienne est le président La Riva-Aguero. La victoire d’Ayacucho venait d’assurer l’indépendance du Pérou, dont les Espagnols se préparaient à quitter le territoire. La Riva-Aguero ne devait faire qu’une courte apparition sur le siège présidentiel. Un colonel Lafuente, qu’on retrouvera dans toutes les agitations de la république naissante, ne se vit pas plus tôt en face d’un pouvoir régulier, qu’il ourdit la première de ces conspirations militaires dont le retour allait si fréquemment désoler le Pérou. La conspiration réussit, et les troupes s’étant prononcées contre La Riva-Aguero, le congrès dut lui donner un successeur. Son choix se porta sur le grand maréchal Lamar (août 1827). Ce n’était point là le compte du colonel Lafuente, qui avait cru s’emparer de la présidence, et qui ne gagnait à sa victoire que le grade de général de brigade. L’infatigable conspirateur se remit aussitôt à l’œuvre, et une nouvelle intrigue militaire renversa le président Lamar pendant qu’il était occupé à guerroyer contre la Colombie, car à la guerre civile venait déjà se joindre, pour le Pérou, le fléau de ces guerres non moins déplorables que les républiques espagnoles, au lieu de s’unir et de s’entr’aider, se font entre elles, sous les plus misérables prétextes. Cette fois encore, l’ambition de Lafuente fut déçue. On ne le nomma que général de division. Un des deux généraux avec lesquels il s’était uni contre Lamar, le général Gamarra (l’autre était le général Santa-Cruz), fut élu président. De ces