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régnante est celle de la couleur, la plus exclusive de toutes par conséquent, et celle qui se mésallie le moins. La race blanche méprise les métis et les Indiens comme les noirs ; elle regarde les uns comme un peuple conquis, les autres comme un peuple acheté. La différence, à ses yeux, est peu de chose, et elle maintient avec un orgueil jaloux les barrières qui la séparent du reste de la population.

Cependant les métis, particulièrement ceux de sang indien, les cholos, occupent depuis l’émancipation des places importantes dans l’armée et le gouvernement. Un homme qui a joué un grand rôle au Pérou, le général Santa-Cruz, descend par sa mère des anciens caciques ou chefs indiens. Dès l’époque même de la conquête, on avait vu les Espagnols s’allier aux principales familles indigènes, et les comtes de Montezuma, dont le nom indique assez l’origine, donnaient au Mexique un de ses derniers vice-rois. La guerre de l’indépendance exalta l’ambition des métis. Les Péruviens de race blanche, pour s’assurer en eux des auxiliaires, leur firent espérer l’établissement d’un nouvel empire, continuation de l’empire des Incas, dont la grandeur passée vit encore dans la mémoire de tous les Indiens du Pérou. La révolution de Bolivar devint ainsi pour eux comme une réaction armée contre la conquête de Pizarre. Aussi Indiens et fils d’Indiens se levèrent-ils en masse, et sans cette puissante intervention de la race indigène, jamais les Espagnols n’auraient perdu leurs colonies. La récompense de ce concours prêté à la révolution par les métis fut leur admission à la vie politique, dont ils n’avaient jamais connu ni les droits ni les devoirs. On leur confia des postes importans, et un grand nombre des principales familles, particulièrement de Lima, ayant affecté, après la proclamation de l’indépendance, de se tenir à l’écart du nouveau gouvernement, les métis mirent à profit cette indifférence dédaigneuse pour garder les positions qui leur avaient été confiées. Les blancs auraient d’ailleurs eu quelque peine à reprendre ces positions, car la force militaire est tout au Pérou, et c’étaient des Indiens qui formaient alors comme aujourd’hui la majorité de l’armée.

Le cholo est fils de l’Indien et du blanc ; il est petit et trapu ; il a le front bas, la face large et aplatie, les pommettes saillantes, les cheveux noirs, raides et durs, le teint jaune, tous les caractères enfin de la race primitive du pays. Il est paresseux et rusé, doux et insouciant comme l’Indien. Ceux des cholos qui n’ont pu se fixer dans les villes mènent une existence misérable dans quelque petite chacra (ferme) au milieu des Cordilières. Il en est qui vivent de la pêche le long des côtes, réunis dans de petits villages au fond de quelque anse retirée. Les noirs sont en très petit nombre au Pérou ; mais leurs fils, les sambos, issus de leur mélange avec les blancs, sont répartis sur tout le littoral. Le