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qui s’éloignait le plus de 1815, et cet éloignement, qui a fait sa popularité en 1848, est ce qui a fait sa perte en 1849. On ne passe pas sans transition d’un régime à un autre, et de la fédération de 1815 ; qui comportait l’indépendance presque absolue des divers états de l’Allemagne, à la centralisation politique et administrative la plus complète. C’est par là que la constitution de Francfort a péri. La constitution d’Erfurth a beaucoup plus accordé à l’indépendance des états de l’Allemagne, au particularisme, pour parler comme on parle de l’autre côté du Rhin. Cependant, comme la constitution d’Erfurth procédait de la constitution de Francfort, tout en étant destinée à la combattre, elle accordait encore beaucoup au pouvoir central. Maintenant, la constitution des trois rois diminue singulièrement les prérogatives de ce pouvoir central ; et c’est ainsi que se rapprochant à chaque degré des institutions de 1815, l’Allemagne est tout près d’y revenir. Une fois qu’elle y sera revenue, y restera-t-elle ? Nous avouons franchement que si tel devait être le dénoûment du long pèlerinage de l’AI1emagne à travers toutes ses théories d’unité, nous plaindrions son sort. Tant.tourner et si peu marcher, c’est triste. Nous espérons que la sagesse des princes et du peuple allemands préviendra ce pénible et ridicule dénoûment. Les épreuves des deux dernières années auront prouvé à l’Allemagne que d’unité politique et administrative lui est impossible ; mais l’unité de droit civil et criminel est encore à tenter, et c’est de ce côté que l’Allemagne pourra se tourner. Cette fois, nous le pensons, ce ne sera plus vers un horizon qui fuit à mesure qu’on s’en approche.




REVUE LITTERAIRE.
LE THEÂTRE ET LES LIVRES.


S’il est vrai, comme l’assure Cicéron, que la littérature compte parmi ses plus précieux privilèges celui de charmer nos ennuis et de nous distraire de nos chagrins, il faut convenir que le théâtre et les livres, depuis quelque temps, s’y prennent mal pour accomplir cette tâche consolatrice. Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ? disait-on il y a trente ans. Qui nous délivrera, dirons-nous aujourd’hui, des Romains de 93 et des Grecs de 1848 ? Qui nous délivrera des souvenirs, des récits, des héros, des querelles, des noms et des dates révolutionnaires ? Croyez-vous donc que ce soient là de bien attrayantes images, de bien aimables délassemens ? Quoi ! nous sommes poursuivis, assaillis, absorbés par les anxiétés qu’amènent les crises politiques : elles ne nous laissent pas un moment de trêve, elles remplissent nos conversations, elles s’asseoient à notre foyer, elles attristent nos joies, nos projets et nos espérances, elles éclatent jusque dans nos efforts pour leur échapper, et lorsque nous ouvrons un livre ou que nous allons demander à la scène quelques momens de distraction, d’apaisement et d’oubli, qu’y trouvons-nous ? Les portraits de famille des révolutions passées ou présentes ; des narrations, des discussions et des scènes dans lesquelles reparaissent, sous des formes anciennes ou nouvelles,