Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y fait peu de chose relativement, c’est que les individus y sont assez riches et assez puissans par eux-mêmes pour faire beaucoup. Du reste, c’est une erreur de se figurer que l’Angleterre dépense moins que nous pour ses services publics. En Angleterre, la dépense des routes, des canaux et des chemins de fer, celle des musées, des chapelles et des écoles, celle des établissemens de bienfaisance, enfin la plus grande partie des dépenses publiques se dissimule sous les péages ou dans les comptabilités locales, tandis que chez nous tout est porté au compte de l’état. De là une grande différence dans les chiffres comparatifs des budgets de France et d’Angleterre, mais cette différence n’est qu’apparente.

Nous n’avons pas le fanatisme de la centralisation, ni le culte passionné des gros budgets ; mais nous avons peu de goût pour les pratiques administratives des temps passés. Il y a une juste mesure à garder dans les éloges et les critiques que mérite le système administratif et financier de la France. Cette mesure, nous la trouvons dans le rapport de l’honorable M. Berryer, organe de la commission du budget. M. Berryer blâme ce qu’il faut blâmer, il attaque ce qui peut être attaqué sans péril ; mais il conserve et il respecte ce qui ne peut être supprimé sans que l’unité du pays soit atteinte, et sans que la marche des services soit arrêtée. Les esprits exigeans trouveront que la commission du budget n’a pas tranché dans le vif, qu’elle n’a pas présenté des économies suffisantes. Ils diront que c’est peu de chose d’avoir économisé, sur un budget de 1 500 millions, 40 millions de dépenses ordinaires et 44 millions de dépenses extraordinaires ! Nous voudrions les voir à l’œuvre. Quand ils auraient commencé par réduire les chiffres du budget à leur véritable expression, quand ils auraient effacé d’abord un chiffre fictif de 307 millions, qui ne figure que pour ordre au budget ; lorsque ensuite ils auraient mis de côté 326 millions pour la dette publique et les pensions, et 122 millions pour acquitter le recouvrement des impôts ; lorsque enfin il ne leur resterait plus dans les mains qu’une somme de 612 millions pour solder toutes les dépenses d’administration et de gouvernement, que feraient-ils ? Quelles réductions viendraient-ils nous proposer sur la magistrature, sur le clergé, sur l’enseignement, sur les dépenses des préfectures, sur les traitemens de nos agens diplomatiques, si mal rétribués en comparaison des agens étrangers ? Quelles économies nouvelles feraient-ils sur les travaux publics, réduits depuis février de plusieurs centaines de millions, lorsque l’humanité et la politique nous commandent de faire les plus grands sacrifices pour ce budget, qui est le budget des ouvriers ? Et la marine, et l’armée, qu’en feraient-ils ? Viendraient-ils proposer la destruction de la flotte et l’abandon de l’Algérie ? Nous pensons qu’il y a des économies sérieuses à faire sur l’organisation de l’armée ; mais ces économies ne sont pas celles qui semblent plus particulièrement désirées par la montagne. Demandez au général Lamoricière, qui s’y connaît, qui a vu les choses de près, et qui doit savoir à quoi s’en tenir sur le véritable sens de l’élection du 10 mars, demandez-lui si le moment est venu de licencier l’armée de Paris !

Le discours du général Lamoricière est une excellente préface de la discussion qui doit avoir lieu bientôt sur l’organisation de l’armée. Cette discussion se trouvera également simplifiée par un ouvrage très remarquable que vient de publier le général Paixhans. Dans ce livre, qui est le fruit de sa longue expérience, et qui est tout-à-fait digne de sa réputation militaire, l’honorable