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d’être nommés, on ne rencontre, dans l’ancien empire des Incas, d’autres habitations que des maisons de poste, encore assez rares, où quelques mauvais chevaux suffisent tant bien que mal au service des courriers et aux besoins des voyageurs. C’est à cheval en effet que l’on parcourt l’intérieur du Pérou. N’y cherchez point de chemins battus, contentez-vous de quelques sentiers à peine tracés, suspendus souvent au-dessus de précipices dont le regard, n’ose sonder la profondeur, et le long desquels le pied de la mule peut seul s’aventurer. N’espérez point non plus trouver d’autre gîte pour la nuit que de pauvres huttes indiennes qu’on n’est pas même toujours sûr de rencontrer au terme d’une journée de fatigues. Qu’on imagine maintenant ce que peut être une insurrection dans un pays où la capitale et les principales villes sont si complètement isolées, où les rapports de l’autorité centrale avec les provinces sont entravés par de tels obstacles. On peut affirmer que bien des révolutions qui ont agité le Pérou auraient été étouffées ou prévenues sans peine, si le gouvernement avait pu agir avec la rapidité nécessaire. Faute de cette facilité d’action, il a vu souvent se tourner contre lui les chefs militaires qui, sous le nom de préfets, commandent dans chaque département. Ces chefs peuvent, s’ils le veulent, se rendre à peu près indépendans ; une foule toujours nombreuse de mécontens est là pour les appuyer. Une fois leur plan bien arrêté, ils lèvent des troupes, frappent des impôts, et, sous le prétexte éternel que la constitution est violée, marchent sur la capitale. Voilà une révolution, quelquefois une guerre civile, qui commence, et presque toujours la lutte n’a pour résultat que la substitution d’un chef à un autre.

Telles sont les facilités que prête à l’anarchie la configuration du territoire péruvien. Trois autres causes concourent avec celle-là pour entretenir au Pérou une agitation que la ferme volonté de son président actuel a pu seule contenir : je veux parler des rivalités de villes des rivalités de races, et enfin de la mauvaise organisation de l’armée.

Antique résidence de l’aristocratie espagnole, Lima, on l’a vu, est la capitale du pays, le centre nécessaire de l’autorité gouvernementale. Deux autres villes lui disputent cependant ce privilège, et offrent aux faiseurs de pronunciamientos militaires un point d’appui qu’ils n’ont garde de négliger. Ce sont Aréquipa et le Cusco. Aréquipa est comme la capitale du Pérou méridional. À une vingtaine de lieues de la mer, dont elle est séparée par un désert de sable, cette ville s’élève sur les bords de la petite rivière Chile, au milieu d’une campagne magnifique qui forme une espèce d’oasis entre les plaines sablonneuses de la côte et les plateaux désolés des Cordilières. Un volcan, éteint aujourd’hui, mais dont la lave couvrit jadis une grande étendue de pays, le Misti, domine les maisons d’Aréquipa, et à voir, par une belle nuit, ce cône immense, couronné de neiges éternelles, détacher sa masse puissante