est même en ce moment de se les exagérer. Est-elle reconnue par la loi ? — Incontestablement ; la constitution de 1848 fait plus que de la reconnaître : elle lui accorde une influence excessive, elle lui décerne la domination dans l’état. — Cette force, qui n’est pas seulement imposante, qui a le sentiment outré de ce qu’elle mérite et de ce qu’elle peut, qui a la sanction de la loi, est-elle en elle-même digne de respect ? — Oui, pourvu que, comme toute autre force sociale, elle ne réclame rien que ce qui est conforme aux principes fondamentaux de liberté et de justice pour tous, et que ce qui est humainement possible. — Les droits politiques qui seraient reconnus aux classes ouvrières sont-ils nécessaires à la protection des intérêts légitimes de ces classes ? — Il n’est plus permis d’en douter. Il ressort de là l’indication d’une ligne de conduite pour les classes riches ou aisées, et cette ligne serait différente de celle qui est suivie depuis plusieurs mois, depuis la réunion de l’assemblée.
Puisse-t-on donc se hâter, par des actes formels, d’effacer de l’esprit des classes ouvrières l’opinion qu’elles ont pu se former, que nous n’adhérions pas franchement à un régime où l’amélioration de leur sort fût la tâche principale du gouvernement, et où elles en eussent la garantie par une équitable participation aux droits politiques !
Cette adhésion loyale et explicite de notre part n’interdirait pas d’apporter à la constitution de 1848 les changemens qu’indique l’expérience, et que commande une saine appréciation du caractère français et de la société française. Loin de là, elle faciliterait l’entreprise. Il faut pourtant en venir à cette révision aussitôt que possible : nous ne pouvons demeurer dans ces conditions manifestement révolutionnaires où la constitution de 1848 nous a placés. Pour que la révision soit bien faite, pour qu’elle ait un résultat de quelque durée, pour qu’elle ferme la porte aux déchiremens, il est nécessaire qu’elle s’opère d’un commun accord entre les grandes fractions de la société. L’accord est impossible pourtant, si les classes diverses ou les grands partis nourrissent la pensée de s’annuler mutuellement et de s’arroger seuls l’empire ; il devient aisé, s’il est évident que chacune des grandes forces qui sont en présence renonce à l’espoir d’exclure les autres et de les dominer, et si l’on donne des gages de la disposition où l’on est de vivre à côté les uns des autres. La constitution révisée ne doit point être la proclamation du triomphe de l’un des grands élémens de la société sur un autre. Ce doit être un pacte d’alliance, un traité de paix, et les préliminaires d’un traité de paix consistent à prendre une attitude conciliante.
C’est le cas ou jamais pour tous les élémens conservateurs de la société d’agir de concert, de s’organiser autrement que sur le papier, de s’unir par les liens d’une étroite intimité. Que ne prennent-ils modèle