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plus profondément la société ; mais aussi bien c’est celle dont les progrès peuvent être le mieux surmontés, dans un court espace de temps, si tous ceux qui y peuvent quelque chose s’y prêtent, et si la Providence, qui dispose des événemens généraux, est propice aux hommes de bonne volonté.

Contre la misère morale, la bienfaisance recouvre la puissance que le raisonnement conduit à lui dénier envers la misère matérielle. Quand la bienveillance ne se lasse pas, il n’est point de mauvais sentimens dont elle ne triomphe. La reconnaissance est dans le cœur de l’homme comme l’herbe dans les prairies : elle y germe spontanément. Il n’est pas au pouvoir de l’homme de la tenir refoulée indéfiniment sous la pression de la colère ou de l’envie. Il est à souhaiter que la bienfaisance publique et la bienfaisance privée s’exercent à l’envi l’une de l’autre, tantôt combinant leurs efforts, tantôt les séparant pour le plus grand succès de l’œuvre. En ce temps-ci, ce n’est pas seulement la religion ou le sentiment d’humanité inné chez les honnêtes gens qui dit à la charité de se déployer. La politique en fait une loi. Nous sommes engagés dans un passage très difficile : pour en sortir noblement, la charité nous offre un point d’appui ; mais ce n’est pas la politique, c’est la religion seule qui pourra donner une vive impulsion aux œuvres de la charité. Celui qui règne dans les cieux est la seule autorité au nom de laquelle il soit permis de faire entendre des paroles rudes et menaçantes au riche qui oublie qu’on souffre auprès de lui pendant qu’il se livre au plaisir, parce que le Seigneur, qui ordonne la charité à qui peut la faire, commande en même temps la résignation à qui vit de privations et d’amertume, et qu’il réserve sa plus inexorable sévérité pour l’homme emporté et violent.

Toutes les manifestations de la charité ne sont pas également efficaces, je veux dire ne soulagent pas une égale somme de souffrances matérielles pour une égale somme de sacrifices. Dans l’organisation de la charité, il faut redoubler d’attention afin de choisir entre tous les moyens les plus puissans. Cependant, quelque importante que soit cette règle, elle est primée par une autre. Notre plaie la plus cruelle et la plus dangereuse, c’est, avons-nous dit, la haine qu’on a infusée au pauvre contre le riche, et à laquelle celui-ci répond par une stupeur au moins méfiante. Les institutions publiques ou particulières ou les pratiques individuelles qui sont de nature à préparer la réconciliation sont celles qui méritent la préférence ; c’est là ce qui appelle la sollicitude toute spéciale des ames bien placées, des esprits prévoyans et des pouvoirs de l’état.

Les sociétés de secours mutuels, telles que le gouvernement les avait officiellement proposées à l’assemblée, par les bons rapports qu’elles tendraient à établir entre les classes aisées et les ouvriers,