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partir de ce moment, les quakers, loin d’être persécutés, ont obtenu divers privilèges refusés aux autres sujets anglais, en particulier, celui d’être dispensés de tout serment juridique. Les dîmes, qu’ils n’ont jamais consenti à payer, les exposent seules maintenant à des poursuites qui, du reste, se dénouent le plus souvent par la simple saisie de la somme légalement due.

Ce sont donc les prétentions de l’orthodoxie qui ont été vaincues. En se brisant contre les disciples de Fox, elles n’ont servi qu’à faire ressortir un utile enseignement : c’est que la contrainte et les décrets sont impuissans à anéantir les croyances sincères, et que les convictions sont certaines de se faire accepter quand, pour obtenir que la force ne soit pas tournée contre elle, elles commencent par renoncer elles-mêmes à la violence. Toutes les légitimes prétentions des quakers ont triomphé : la loi n’a pu leur enlever la liberté de croire personnellement ce qu’ils avaient besoin de croire. Toutes leurs dangereuses présomptions ont été écrasées, la loi a su les forcer à s’abstenir de tous les écarts d’enthousiasme qui pouvaient attenter à la liberté d’autrui. À l’heure qu’il est, la Société des Amis peut avouer sans honte son passé ; je crois qu’elle doit aussi se le rappeler sans colère ; ses épreuves lui ont été utiles. Durant une des extases de Fox, « il lui avait été clairement ouvert par l’éternelle lumière que tout s’accomplit en Christ et par Christ, et que tous ses troubles étaient pour son bien ; » peut-être était-ce aussi pour le bien de ses disciples que tant de souffrances leur étaient mesurées ; peut-être, afin d’être à même de vivre parmi les hommes, avaient-ils besoin d’apprendre ce que tout enfant doit apprendre : Abjurer l’esprit volontaire de la jeunesse et laisser chacun faire à sa guise. Si les colères qui se sont acharnées contre eux ont été désordonnées, souvent odieuses, c’est à elles cependant qu’ils doivent d’avoir survécu, non moins qu’à la persistance de leurs propres convictions, et à ce conflit d’opiniâtretés nous devons nous-mêmes d’avoir vu la cause des anciens mystiques faire un pas de plus.

Il n’est que juste de l’ajouter : quelles que fussent les illusions des quakers, leurs adversaires n’avaient pas moins de choses à apprendre qu’eux-mêmes ; ils avaient surtout à s’accoutumer au respect de la légalité, comme à l’idée que, même avec des lois, on ne peut pas l’impossible, et qu’en conséquence, au lieu de ne consulter que ses désirs et ses systèmes, il est bon, avant de voter des décrets, d’examiner ce que l’on peut. Les quakers se chargèrent de donner ces leçons aux hommes qui ne partageaient pas leurs croyances, et ils le firent avec une noble audace. Devant les tribunaux ou dans les cachots, dans leurs requêtes de leurs écrits, ils parlèrent et agirent toujours en hommes ; jamais ils ne voulurent accepter de grace. À l’illégalité, ils répondaient en citant la