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Or, si nous ne nous trompons, les républicains sans le vouloir sont le fonds du grand parti conservateur.

Un dernier mot sur l’embarras de ceux qui ne veulent rien faire de monarchique pour le président de la république. Si le président de la république, ou plutôt si les amis du président de la république, considérant les services incontestés qu’il a rendus, le besoin de stabilité qui existe dans le pays et qui s’attachera au premier dénouement possible comme à un dénouement définitif, si, disons-nous, les amis du président de la république avaient demandé au pays autre chose que des frais de représentation, autre chose que ce que vous appelez une liste civile, si enfin, au lieu de demander l’accessoire, ils avaient demandé le principal sous je ne sais quelle forme, et sous une forme suffisamment constitutionnelle, oh ! alors nous concevrions les scrupules de conscience de beaucoup d’hommes du parti conservateur ; nous concevrions que les uns alors pensassent à Frohsdorff et les autres à Claremont et à Eisenach, Mais quoi ! le ministère vous demande seulement des frais de représentation, et vous ne sentez pas que vous devez vous tenir pour heureux de pouvoir être justes et reconnaissans d’un côté sans être oublieux de l’autre ; vous ne sentez pas que vous devez être heureux qu’on ne vous demande que de régler et d’honorer le présent, sans engager l’avenir ! Quant à nous, nous félicitons le gouvernement d’avoir si bien compris l’état de la société et de n’avoir pourvu qu’au présent ; mais nous ne féliciterions pas ceux qui n’imiteraient pas cette réserve, et qui se feraient les gardiens agités et intempestifs d’un avenir qui n’appartient à personne. Aidons-nous dans le présent ; Dieu nous aidera dans l’avenir.

Nous venons de traiter la plus grave question de la quinzaine. Devant la préoccupation qu’exerce cette question, les débats de l’assemblée nationale se sont naturellement effacés de la mémoire. Mentionnons-en cependant quelques traits : la loi sur les clubs, le maintien de l’article 8 dans la loi de déportation, hier enfin la répudiation éclatante de l’héroïsme du 24 février, voilà les traits principaux des délibérations parlementaires.

Le projet de loi sur les clubs n’était que la continuation et la confirmation de la loi faite l’année dernière sur le même sujet. Toutes les fois, en effet, que les clubs ont essayé de s’établir en France, il a fallu bien vite les supprimer, à moins de se résigner à voir périr la société. Les citations que le rapporteur du projet de loi, M. Boinvilliers, a faites à la tribune des discours qui se sont tenus récemment dans ces clubs avant les élections de Paris, sont curieuses et significatives. Un représentant entre dans une de ces réunions, et monte à la tribune. « J’ai abdiqué, dit-il, mon titre en entrant dans cette assemblée ; je viens devant mon maître. » Que pensez-vous de ce Diogène courtisan ? On s’est récrié sur M. de Villeroy montrant le peuple à Louis XV enfant, et lui disant « Tout ce peuple est à vous ! » Je crois que M. de Villeroy était sincère ; mais je suis bien sûr que le représentant ne l’était pas, et qu’il ne disait mon maître la veille que pour dire mon esclave le lendemain. Toutes les mauvaises passions, la haine, l’envie, l’amour du pillage, l’horreur du travail, étaient soigneusement cultivées et entretenues dans ces prétendues réunions électorales. Un orateur disait qu’il voudrait voir le dernier membre du comité électoral déchiré par morceaux. Un autre accusait le parti modéré d’appeler les Cosaques ; un autre disait qu’on vendait les grains à l’étranger, et qu’on laissait le peuple mourir