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croyez-vous que les secours au malheur et les encouragemens aux arts prendront sur cette somme ? — On voit bien, dira-t-on, que vous aimez les listes civiles. — Oui, nous aimons les listes civiles qui profitent au malheur, au commerce, à l’industrie, aux beaux-arts : toutes les listes civiles n’ont pas ce caractère. Nous en savons une, par exemple, qui n’a guère et ne peut guère, avoir cet emploi, une liste civile fort grosse cependant, plus de 8 millions, si nous ne nous trompons : celle des représentans. Nous sommes fort à notre aise pour parler de cette liste civile, puisque nous nous adressons en ce moment aux membres de la majorité, lesquels ont toujours fait peu de cas de la rétribution qui leur est allouée, et ne demanderaient pas mieux que de voir les fonctions de député rendues à leur ancienne et honorable gratuité. De bonne foi, que produit la rétribution de 25 francs par jour allouée à nos représentans ? Quel effet a sur le commerce, sur l’industrie, sur le luxe, sur les arts cette liste civile de la représentation nationale ? Nous avons bien entendu dire qu’il y avait des représentans qui, sur leur liste civile de 25 francs par jour, prélevaient ou laissaient prélever une dîme pour l’armée permanente de l’insurrection : d’abord, nous ne croyons pas à ce bruit, et, si nous y croyions, nous demanderions si cet emploi de la liste civile parlementaire est favorable au commerce et à l’industrie. Nous sommes persuadés, quant à nous, que ce serait un fort bon marché que de prélever les 3 millions du président sur la liste civile des représentans, et que la majorité y consentirait de grand cœur, parce que la mesure serait doublement bonne : elle accréditerait la représentation nationale, et, de plus, il n’est pas douteux que les 3 millions que dépenserait le président auraient, selon les principes de l’économie politique, un effet plus puissant sur le commerce et l’industrie que les 25 francs du représentant. Nous ne voulons pas, cela est bien entendu, attaquer l’article de la constitution qui dit que les députés doivent être rétribués ; mais, comme on parle beaucoup en ce moment de la nouvelle liste civile qu’on veut constituer au président, nous rappelons fort humblement que la révolution du 24 février n’a pas emporté toutes les listes civiles ; qu’il y en a une, celle de la représentation nationale, une liste civile de 8 millions, et nous comparons la liste civile parlementaire avec la liste civile de la présidence, cherchant quelle est, sinon la plus utile, du moins la plus utilement dépensée, quelle est celle qui encourage le mieux, par son emploi, le commerce, l’industrie, le luxe, les arts.

Personne dans la majorité, avec l’idée que les membres de la majorité ont si bien, et quelques-uns par expérience, des devoirs qu’impose une grande situation, personne ne peut trouver que 250 000 francs par mois soient trop pour le train de vie que doit avoir un président de la république en France. Aussi, dans la majorité, la question n’est pas une question financière, c’est une question politique. Nous ne craignons pas de traiter la question de cette manière et d’entrer dans le secret des raisons qui font rejeter par les membres de la majorité le crédit du président ; nous dirons tout, nous ne cacherons rien, espérant que nous ne serons pas lus par le parti qui s’intitule spécialement républicain, et que nous ne causerons qu’avec les hommes du grand parti conservateur qui s’est formé depuis février.

Et d’abord nous dirons aux hommes de cœur et de sens qui composent ce parti : N’est-il pas vrai que depuis le 10 décembre 1848 le président de la république