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de la forme républicaine ce qui leur avait manqué jusqu’alors, un point d’appui, des armes et des subsides, l’Europe s’organisait pour une guerre de vingt-cinq ans. L’Espagne rompit au lendemain de l’immolation l’alliance séculaire fidèlement respectée jusqu’alors ; les petits états de l’Italie suivirent le même exemple, et cet acte alla réveiller au cœur de Catherine II une ardeur un moment assoupie par l’ambition. D’une guerre à peu près terminée avec l’Allemagne, la France passait donc, par le seul effet de cet événement, à une guerre nouvelle et générale avec l’Europe ; elle quittait la défensive pour l’agression, et substituait à une lutte glorieuse et légitime pour l’indépendance du territoire national un tamerlanisme révolutionnaire sans règles et sans limites. Refuser la vie de Louis XVI aux supplications des cabinets, repousser systématiquement une condition à laquelle tous proposaient d’attacher ou le rétablissement de la paix, ou le maintien de leur neutralité, c’était, en effet, commencer contre toutes les monarchies la guerre d’extermination prêchée chaque jour par la montagne, et qui était évidemment le contre-pied de la politique girondine.

Cette politique-là était celle des jacobins : inspirée par leurs instincts, elle servait tous les intérêts d’un parti dont la seule mission est de préparer la ruine des sociétés modernes. Il n’y a donc pas à s’étonner qu’ils en aient poursuivi le triomphe ; mais que les chefs de la bourgeoisie républicaine aient concouru à un acte dont la perpétration suffisait pour retrancher à jamais le gouvernement fondé par eux de la communion de tous les gouvernemens réguliers, c’est ce qui ne saurait s’expliquer que par une imprévoyance sans exemple. Ces hommes éminens n’étaient pas assurément sans comprendre tout le danger du piège dans lequel ils se laissèrent enlacer. Outre le sentiment d’humanité qui faisait souhaiter à la plupart d’entre eux de sauver la déplorable victime qu’ils avaient précipitée du trône dans un abîme de douleur, aucun n’ignorait qu’un crime imposé par des passions qu’ils ne partageaient point serait pour eux et une humiliation personnelle et un grand affaiblissement politique. Si donc il ne s’était agi, pour sauver cette tête, que d’affronter les poignards, le plus grand nombre de ces hommes l’auraient fait sans hésiter, car il était manifeste qu’ils seraient bientôt conduits pour leur propre compte à une lutte désespérée et à l’extrémité d’une défense personnelle ; mais il fallait s’entendre accuser de vouloir sauver Louis XVI, moins parce qu’il était innocent que parce qu’il avait été roi, et que, vivant, il pourrait le redevenir encore.

Or, lorsque les girondins, calomniant leurs ennemis air lieu de les attaquer résolûment, imputaient chaque jour aux montagnards des projets monarchiques et des rapports secrets avec l’émigration, il leur devenait impossible de repousser l’épreuve du sang imposée à leur foi républicaine sans provoquer des attaques, sinon plus fondées, du