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municipales avant que leur déplorable faiblesse en eût permis le renouvellement. Appuyés dans la nation sur le nombre et sur la puissance des intérêts, ils avaient aux frontières les héroïques armées de Dumouriez, de Custine, de Biron et de Montesquieu, dont les chefs alors victorieux auraient poursuivi une victoire sur les jacobins avec non moins d’ardeur qu’une victoire sur l’ennemi. Ce parti avait donc avec lui la France entière, la France des camps et la France des foyers domestiques ; il avait tout cela, et pourtant il fut vaincu ! Et les hommes qui avaient proclamé la république avec une si superbe confiance voyaient, après quelques mois, le gouvernement du pays par le pays aboutir à la victoire parlementairement consacrée de vingt-cinq mille brigands sur vingt-cinq millions de citoyens. Essayons de faire comprendre comment ce parti disparut dans sa victoire.


IV

Dès les premières séances de la convention, la majorité ouvrit contre la montagne une lutte dont le sombre pinceau de Milton suffirait à peine à peindre la physionomie. À la fureur avec laquelle s’engagea cette guerre, il fut manifeste qu’il y allait pour les combattans moins du pouvoir que de la vie. Le courage viril ne manquait point aux girondins : Barbaroux payait de sa personne au 10 août pendant que Robespierre se cachait pour attendre l’issue du combat, et, dans les rangs de la montagne, l’athlétique Danton l’emportait à peine en énergie sur le chétif Louvet ; mais ce qui manquait complètement à ces hommes, comme à la classe nombreuse dont ils étaient l’expression et le dernier rempart, c’était la résolution et le sang-froid politiques. Ils ne marchaient pas droit et ferme sur l’ennemi et se détournaient à chaque moment du véritable point d’attaque, soit pour ménager leur personnalité, soit pour pactiser avec les coupables passions auxquelles ils avaient déjà donné tant de gages.

Le vrai point d’attaque contre la montagne, c’était le despotisme insolent de la municipalité de Paris ; le vrai but à atteindre, c’était la dissolution immédiate de ce monstrueux pouvoir ; le résultat politique à obtenir, c’était la liberté de la convention nationale. Deux voies s’offraient pour garantir cette liberté, tenue en échec par les faubourgs d’une seule ville : la translation de la convention hors de Paris, ou l’organisation d’une force départementale destinée à ’protéger la représentation nationale au sein de la capitale dominée par les factions.

Lorsqu’en octobre 1792 Buzot réclama, aux applaudissemens de la majorité, la création immédiate de cette garde de sûreté, formée et entretenue par tous les départemens de la république, on put croire que la gironde attacherait son sort à la poursuite de cette mesure décisive,