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mesure les attributions de l’état, et c’était contraire à la justice, car il n’est pas plus juste d’imposer les populations manufacturières pour procurer des capitaux aux agriculteurs qu’il ne le serait d’ajouter aux centimes additionnels dont se plaint l’agriculture pour fournir des capitaux aux manufacturiers. L’honorable auteur du projet ne s’étant pas aperçu qu’il se laissait ainsi aller sur le terrain du socialisme, l’assemblée constituante fut plus avisée, et le projet n’eut pas de suite. La même pensée revient, modifiée, en 1850, par une clause d’un projet de loi recommandé aux conseils. Il y est dit (article 4) : L’état et le département garantissent, chacun jusqu’à concurrence d’un tiers, le paiement des obligations (émises par les banques foncières) en capital et intérêts. Voilà donc l’état (et le département en outre) chargé de cautionner les banques. C’est une réminiscence des séances du Luxembourg en mars et avril 1848.

Signalons encore l’esprit dans lequel l’administration entendait accélérer l’amélioration de la race chevaline. Les étalons officiels ne sont pas sous la main de tous les propriétaires de jumens, ou ne sont pas toujours au goût de ceux-ci, qui ont des raisons d’eux connues pour en préférer d’autres, et qui s’attachent quelquefois à des bêtes sans mérite. Ils y trouvent en somme plus d’avantage, et cela leur suffit. L’administration s’est courroucée contre un certain nombre d’éleveurs qui comprennent leurs intérêts autrement qu’elle ne le voudrait, et elle avait conçu un système d’après lequel le propriétaire d’un étalon, avant de le faire fonctionner, aurait eu à le faire approuver par l’autorité, qui l’aurait marqué de la lettre A au sabot du pied droit. C’eût été ordonné sous peine d’amende, laquelle amende eût été doublée en cas de récidive non-seulement du cheval, mais du propriétaire. C’était déjà peu respectueux pour la propriété : si j’ai un étalon, je ne force personne à s’en servir ; qu’on me laisse libre de l’offrir. De quel droit met-on l’interdit sur cet animal, sous prétexte qu’il n’est pas conforme aux notions de M. le préfet sur l’amélioration de la race chevaline ? Mais on ne s’en tenait pas là. Le paragraphe 2 de l’article let disait : Tout propriétaire de jument qui voudra la faire saillir par un étalon ne pourra la présenter qu’à un étalon autorisé, et l’infraction du propriétaire de jument aurait entraîné contre lui la même amende de 16 à 200 francs, laquelle eût été doublée, de même en cas de récidive. Voilà pourtant les lois qu’on méditait en faveur d’une nation qui aspire à être la plus libre du monde, et qui a inscrit dans sa constitution dernière, par addition à ce qui était dans les autres, les paroles suivantes : La constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l’industrie (article 13, § 1).

Si l’administration se met à imaginer des règlemens pareils et à les produire officiellement, je ne vois pas comment elle pourra réprimander