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À cette catégorie de questions qu’il n’y avait plus lieu de déférer an conseil général, je pourrais joindre celle du régime douanier de l’Algérie. Le gouvernement en avait déjà[1] saisi le conseil d’état. L’assemblée nationale, de son côté, avait nommé une commission, et celle-ci, six semaines avant la réunion du conseil général[2], avait fait un rapport dont les termes étaient concertés avec le gouvernement. Donc les idées du gouvernement sur ce sujet étaient parfaitement fixées[3]. Consulter le conseil général en pareil cas, c’était manquer d’égards pour la commission parlementaire à laquelle on a fait connaître son opinion et donné sa parole, ou c’était réserver un mauvais procédé au conseil général dans le cas où il ne calquerait pas son avis sur l’opinion du gouvernement.

Dans quelques-uns des cas qui précèdent, il y aurait eu cependant une manière de rajeunir le débat. Au sujet des caisses de secours, le gouvernement s’est trouvé en désaccord avec la commission de l’assemblée sur une disposition intéressante. Il voulait provoquer et organiser la participation des classes aisées à ces caisses. Sans y être opposée, la commission parlementaire, à laquelle, dans une première délibération, l’assemblée a donné raison, veut qu’on passe cette participation sous silence. Les beaux résultats qui ont été obtenus à Grenoble[4] par le concert des gens aisés et des ouvriers, et dans beaucoup de grands établissemens par la coopération des chefs, autorisaient le gouvernement à insister. C’est une affaire où les mœurs peuvent plus que la loi, mais il n’est pas prouvé que la loi et les exhortations de l’autorité n’aient rien à y voir. On eût donc compris que le gouvernement demandât à un corps où les chefs d’industrie, bons juges de la matière, étaient nombreux, de prendre le rôle d’arbitres officieux entre l’assemblée et lui, ou encore qu’il adressât aux membres du conseil général une recommandation pressante, afin que chacun d’eux, dans le cercle de son influence, s’efforçât d’imprimer aux caisses de secours ce caractère mixte, condition de la pleine efficacité de l’institution, garantie de meilleurs rapports entre les patrons et les ouvriers. À l’égard des caisses de retraite, le projet de loi statue sur

  1. Le 11 mars.
  2. Le rapport est du 18 février.
  3. Je ne voudrais pas que le lecteur inférât de ces expressions que je regarde le projet de loi comme irréprochable. Malgré l’opinion du gouvernement, malgré toutes les raisons qu’a fait valoir le savant rapporteur de la commission de l’assemblée (M. Charles Dupin), je pense le contraire. Le projet de loi, tout en paraissant libéral pour l’Algérie, place entre elle et le marché général des obstacles que je considère comme funestes, en ce qu’ils sont de nature à retarder le moment où cette colonie pourra se suffire à elle-même, et où elle cessera d’imposer à la métropole des sacrifices énormes.
  4. M. Rivier, juge au tribunal civil de Grenoble, a fait connaître ces résultats au public dans un écrit plein de faits curieux et d’observations judicieuses.