Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/1043

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant ses sessions précédentes, en avait disserté à satiété. Les deux chambres sous la monarchie, la presse, les conseils généraux des départemens, les cours de justice extraordinairement interrogées à cet effet, les congrès agricoles et je ne sais combien d’autres réunions encore en ont fait retentir les airs. Tout a été dit là-dessus. La question du crédit foncier se subdivise en deux, celle de la réforme hypothécaire et celle de la constitution de sociétés spéciales de crédit. Sur le premier point, après vingt années de discussions, tout le monde à peu près est d’accord. Une loi a été préparée en dernier lieu par une commission, le conseil d’état en a délibéré, une commission de l’assemblée nationale s’y est appliquée aussi. C’était donc sorti du domaine du conseil général. Reste la seconde affaire, celle d’associations spéciales de crédit, dont la principale utilité serait d’échelonner sur une longue série d’années le remboursement des sommes avancées aux propriétaires, par le moyen d’annuités dans lesquelles serait compris un amortissement. Ces sociétés seraient formées, soit de propriétaires se présentant en bloc au public prêteur pour lui inspirer plus de sécurité par leur masse, soit de capitalistes allant, réunis, chercher au contraire les propriétaires individuellement. L’une et l’autre de ces combinaisons a été recommandée, l’une et l’autre peut s’employer. L’Allemagne et la Pologne offrent des modèles de la première : la caisse hypothécaire est un exemple de la seconde[1]. À l’égard de ces sociétés, les discussions et les dissertations ne s’étaient pas moins éternisées que sur les hypothèques. Le débat à la fin s’est resserré, parce que, les nuages s’étant éclaircis, on a vu le point de la difficulté. De deux choses l’une : ou l’on veut que ces sociétés soient conformes au droit commun, et alors il n’y avait pas lieu à en occuper le conseil général ; une fois le régime hypothécaire corrigé, il n’y aura plus qu’à laisser faire les propriétaires qui seraient portés à s’associer, et les capitalistes, qui considèrent justement la terre comme le meilleur gage que puisse avoir une créance ; ou au contraire l’on entend que, par une dérogation expresse au droit commun, elles soient investies de pouvoirs exceptionnels et sommaires envers les propriétaires débiteurs qui ne serviraient pas les intérêts échus, et alors la question est de l’ordre essentiellement politique : il ne s’agit plus que de savoir s’il peut et s’il doit y avoir deux droits dans l’état. C’est donc aux assemblées politiques, au conseil d’état, et surtout au corps législatif, qu’il appartient de la traiter et de la résoudre. Une réunion de chefs d’industrie convoqués à ce titre n’est pas compétente.

  1. La caisse hypothécaire a mal réussi, mais ce n’est pas la preuve qu’une institution prêtant des capitaux aux propriétaires fonciers ne saurait réussir ; beaucoup de causes peuvent la faire échouer : ici il y avait d’abord l’ensemble des vices de notre législation sur les hypothèques, vices qui vont être enfin corrigés, on doit l’espérer.