paille, pour se coucher, sans avoir une pierre où se reposer. Son seul crime cependant, cette fois, était d’avoir offensé un certain major Ceely, qui l’avait abordé en lui disant : Votre serviteur, maître Fox. « Major Ceely, s’était écrié l’enthousiaste, prends garde à l’hypocrisie et à la corruption du cœur ; quand ai-je été ton maître et quand as-tu été mon serviteur ? » Blessé de cette réponse, le major l’avait accusé de conspirer contre le parlement, et, quoique l’accusateur eût été convaincu de faux témoignage, Fox avait été emprisonné pour avoir refusé de se découvrir devant le juge.
Que les calomnies de tout genre ne lui aient pas été épargnées, qui s’en étonnera ? Il soulevait les passions des masses contre leurs ministres ; il venait dire aux hommes de guerre que leur cœur était plein de haine et que leur métier était un crime devant Dieu ; il reprochait aux hommes d’état d’être des instrumens de Satan ; il niait les sacremens, il niait tout ce que la foi de son temps était accoutumée à respecter ; il bafouait la sagesse et traitait la raison d’autrui de folie. Naturellement les haines qu’il avait soulevées lui attribuèrent toutes les abominations. On l’accusa de se donner pour un dieu, on l’accusa d’être un ranter et de soutenir que le mal moral n’était pas un péché. Pour expliquer toutes ces injustes imputations, il n’est nul besoin de suspecter la bonne foi de ses ennemis, comme l’ont fait certains écrivains quakers.
Peu importaient du reste les motifs au nom desquels l’enthousiaste était traîné à la barre des tribunaux. Il refusait d’ôter son chapeau ou de prêter les sermens qui lui étaient demandés, et, comme il se faisait un devoir de ne jamais acquitter les amendes dont on le frappait, presque toutes ses arrestations se terminaient par un emprisonnement. Vaine sévérité, violences inutiles. Pendant que le geôlier le frappait, l’apôtre « chantait des psaumes, et son cœur était plein d’allégresse. » - Était-il arrêté, il annonçait aux soldats de son escorte la parole de Dieu. Amené devant ses juges, il les jugeait lui-même et distribuait des écrits dans l’auditoire. Durant ses captivités, il convertissait les prisonniers et les porte-clés ; il écrivait aux magistrats, aux ministres des diverses communions, au parlement, à l’assemblée de Westminster, aux princes de l’Europe et au pape lui-même. Il rédigeait des pamphlets, il adressait des épîtres même aux carillonneurs des églises pour leur faire savoir que l’usage de sonner les cloches en signe de fête était une pratique impie qui n’engendrait que vanité et immoralité. À peine libre, il recommençait ses courses et ses prédications au milieu des avanies et des mauvais traitemens de toute nature. Pour lui, c’était chose ordinaire d’être accablé de coups. Les femmes l’accusaient d’ensorceler leurs maris, les prêtres déchaînaient contre lui la populace, et jamais il ne se défendait. Au lieu de résister, il levait les