Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/1038

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sieurs plusieurs écoles primaires où les sexes sont séparés, ce qui n’existe pas encore partout en France, et dans lesquelles 1,300 enfans, 600 garçons et 715 filles, sont admis gratuitement ; 4° une crèche où les filles de saint Vincent de Paul ont déjà recueilli 40 enfans trouvés ; 5° un hôpital où les dépenses en faveur des pauvres sont couvertes par la rétribution des malades payans ; 6° des secours de tout genre distribués aux indigens et aux infirmes, dont le nombre a été pour 1848 de cent treize mille neuf cent soixante-cinq ; 7° une pharmacie qui donne gratuitement ses remèdes, bien qu’il se présente jusqu’à cinq cents malades en un seul jour ; 8° un bureau de charité organisé pour subvenir aux besoins les plus urgens des chapelles pauvres. Cet ensemble de fondations pieuses se complète par une imprimerie, d’où sortent tous les livres fournis aux enfans des écoles dans le Levant. Voilà les œuvres que quatorze prêtres lazaristes, dix-sept frères des écoles chrétiennes et quarante-quatre sieurs de la Charité font à Constantinople avec le sou par semaine de la propagation de la foi. La congrégation de Saint-Lazare possède des établissemens semblables dans tout le Levant : à Santorin et à Naxie dans l’Archipel, — à Damas, Antoura et Beyrouth pour la Syrie, — à Smyrne, et enfin à Alexandrie, où huit religieux et vingt-trois religieuses élèvent 340 filles et 300 garçons, tiennent un ouvroir et donnent des soins à 200 malades. La nation dont les enfans président à de telles œuvres peut perdre son influence diplomatique, elle ne doit pas craindre l’oubli.

Les missionnaires français, n’ont qu’un but : prêcher l’Évangile, gagner des âmes à Dieu ; mais, on vient de le voir, leur influence s’exerce dans des directions fort variées : ils sont maîtres d’école, voyageurs, médecins, infirmiers ; ils doivent acquérir la science, et savoir rendre au pauvre, au malade, à l’enfant les plus humbles services. Il n’existe pas dans le monde connu une peuplade sauvage dont ils n’aient appris l’idiome, pratiqué les usages, recherché l’histoire, approfondi les mœurs. Leurs lettres, dont les Annales ne publient qu’une faible partie, sont remplies de notions, ou plutôt de découvertes sur toutes les choses qui peuvent intéresser l’esprit humain. Cependant c’est à peine si ces importans travaux sont connus en dehors du monde religieux. Le monde scientifique n’aurait-il donc pas quelque intérêt à les consulter, et n’est-ce pas remplir un devoir que de lui signaler tant de recherches et de documens précieux, que de lui demander enfin pour les naïves et sincères relations de nos missionnaires un peu de l’attention que les philosophes du dernier siècle savaient accorder aux Lettres édifiantes ?

Eugène Veuillot.