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de l’ambassade thibétaine, qui va tous les trois ans présenter à l’empereur de Chine les félicitations du Talé-lama. Cette ambassade arrivait à Péking au moment où les missionnaires entraient à Tang-keou-eul ; elle ne devait donc repasser que dans huit ou dix mois. Que faire durant cette longue attente ? Des touristes eussent été fort embarrassés. MM. Gabet et Huc résolurent de se perfectionner dans la connaissance de la langue et de la religion thibétaines. Le voisinage de Kounboum leur offrait sous ce double rapport des facilités aussi grandes que celles qu’ils auraient pu trouver à H’Lassa. Samdadchiemba avait dans cette lamaserie un cousin nommé Sandara-le-barbu, lama sceptique et même un peu escroc, mais fort instruit ; il se chargea, moyennant salaire, de l’instruction des deux lamas du ciel d’Occident. Sandara-le-barbu vint d’abord trouver MM. Huc et Gabet à Tang-keou-eul ; plus tard, ces derniers purent aller s’établir avec leur professeur dans la lamaserie même de Kounboum ; ils avaient long-temps rêvé cet arrangement.


II.

De la Chine aux frontières du Thibet, tous les lamas que MM. Huc et Gabet avaient interrogés sur la doctrine, bouddhique leur avaient fait la même réponse : Marchez vers l’occident, pénétrez dans le Thibet ; c’est là que vous trouverez les véritables docteurs de notre religion ; c’est là que l’on enseigne dans toute leur pureté les saints préceptes de Bouddha. — Or, la lamaserie de Kounboum n’est pas seulement célèbre par son emplacement sur le lieu même où est né le grand réformateur Tsong-kaba, par ses richesses, par ses quatre mille lamas : elle l’est aussi par sa science. Les missionnaires allaient donc se trouver à très bonne école. Ils purent, en effet, compléter à Kounboum toutes les connaissances qu’ils avaient déjà acquises sur les doctrines, la discipline et la pratique du bouddhisme.

La réforme bouddhique date du XIVe siècle de notre ère ; elle est l’œuvre de Tsong-kaba. Que faisait Tsong-kaba ? qu’était-il ? d’où venait-il ? Sur ces différens points, les chroniques lamanesques ne sont pas d’une clarté parfaite, et le merveilleux y abonde. Il est donc permis de passer rapidement sur les miracles qui marquèrent la naissance de Tsong-kaba, sur la magnifique barbe blanche qu’il avait en venant au monde, comme sur les discours pleins de sagesse qu’il prononçait à l’âge où les autres enfans commencent tout au plus à parler. L’important, c’est de résumer la doctrine qu’il prêcha et qui lui a survécu. Tsong-kaba était de l’Amdo, partie du Thibet oriental habité par des nomades comme la Mongolie. Il embrassa très jeune la vie religieuse. Déjà il avait une grande réputation de sainteté, lorsqu’un lama né dans les contrées les plus éloignées de l’Occident s’ar-