Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/1001

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

efforts et les études de ses membres en conséquence. Du reste, les missionnaires ne font en France que des études préparatoires ; les lazaristes, les jésuites et les prêtres des Missions Étrangères ont des établissemens d’éducation au siège de leur apostolat et même des séminaires pour la formation du clergé indigène. En débarquant, chaque religieux s’arrête à la procure de son ordre. Pour la Chine, la procure des prêtres des Missions Étrangères est à Hong-kong, et celle des lazaristes à Macao : c’est là que le religieux français se forme aux usages chinois.

Le récent voyage de deux lazaristes français au Thibet donnera une idée des épreuves et des fatigues auxquelles se dévouent les hommes qui vont prêcher l’Évangile dans l’Asie centrale. Il montrera aussi quels services ces intrépides apôtres rendent à la science, alors même qu’ils ne croient agir et combattre que pour la cause de la foi.


I.

Au mois d’août 1844, deux lazaristes français, appartenant comme missionnaires au vicariat apostolique de Mongolie, quittèrent les petits villages chinois de Hé-chuy et de Pié-lié-keou, situés à l’entrée des déserts de la Tartarie mongole dans un pays qui dépend du royaume tartare d’Ouniot. Le but de leur voyage était H’Lassa, capitale du Thibet, ville sainte du bouddhisme, et le projet qu’ils se disposaient à exécuter avait été mûri dans de longues méditations et de laborieuses études. Les deux missionnaires avaient consacré plusieurs années à leurs préparatifs de départ. L’un d’eux, M. Gabet, était en Chine depuis neuf ans ; l’autre, M. Huc, comptait cinq ans de séjour sur les frontières de la Mongolie. Le Thibet, siège des superstitions contre lesquelles les deux fils de saint Vincent de Paul avaient principalement à lutter, était devenu, dès les premiers temps de leur apostolat, l’objet de leurs constantes préoccupations. Ils désiraient étudier le bouddhisme sur le théâtre même de sa plus grande puissance ; ils voulaient parler du dieu crucifié dans la ville où l’on adore, comme la plus glorieuse des incarnations de Bouddha, le Talé-lama, idole vivante. Tout le loisir que les devoirs de missionnaire pouvaient leur laisser fut employé à l’étude des idiomes tartares. Quand ils surent parler le mongol comme leur langue maternelle et lire mieux que beaucoup de lamas (prêtres bouddhistes) les écrits thibétains, ils demandèrent au vicaire apostolique de la Mongolie la permission de se rendre à H’Lassa à travers la Terre des Herbes, nom par lequel on désigne les pays incultes de la Tartarie : cette permission leur fut accordée, et ils partirent, connaissant bien les dangers qui les attendaient et n’y songeant pas cependant. Reconnaître les limites du vicariat et jeter les fondemens d’une mission à