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réside ni dans la formule de celui-ci, ni dans le plan de celui-là ; elle ne m’indique point où elle peut être. Elle m’avertit que dans certains parages de l’espace ouvert devant nous il y a un abîme béant : grand merci ! mais n’avez-vous pas une boussole à me donner, pour que je marche vers le but ? La multitude est là, qui grondait en 1848, et jusqu’au 13 juin 1849, qui maintenant est moins agitée, mais dont les passions ne sont qu’endormies. Il faudrait pourtant avoir quelque bonne parole à lui apporter, quelque parole qui dût être suivie d’effet, car tout ce qui sera verba et votes, praetereaque nihil, n’est plus de mise. À la foule de ces hommes qui souffrent, il faut une ferme espérance à laquelle ils puissent se cramponner. Dégoûtée des rêves dont on l’avait bercée, elle sent que les changemens à vue sont impossibles dans la société ; mais, pour être irrévocablement pacifiée, elle a besoin d’un idéal auquel elle puisse croire, non-seulement pour l’autre monde, mais pour celui-ci. Elle se contenterait de voir poindre l’aurore de cet avenir, si elle croyait qu’il luira de plus en plus sur les générations suivantes, sous la condition de s’en montrer de plus en plus dignes. Or, que lui offre-t-on en perspectives ? Rien. Quel idéal lui montre-t-on ? Aucun. Comme si la civilisation française était parvenue à ses colonnes d’Hercule, qu’il n’y eut rien à y changer, rien à ajouter !

La commission de l’assistance et de la prévoyance publiques ne s’est donc point acquittée de sa tâche. Dès que je me place à quelque point de vue autre que celui d’une polémique négative, je n’aperçois plus que des lacunes dans son programme.

D’abord, pour nous en tenir aux institutions de bienfaisance proprement dites, voici une double catégorie d’omissions qu’on peut y signaler 1° pour ce qui est de la bienfaisance publique, elle a trop restreint son examen, elle a négligé des institutions qui auraient exigé une discussion toute particulière. En ce temps-ci, les élucubrations mêmes des théoriciens purs méritent qu’on s’y arrête ; c’est ainsi que la commission a insisté sur le droit au travail, conception qui, grace à Dieu, est restée dans le domaine de la spéculation théorique. À plus forte raison devait-elle examiner ce qui, chez de grandes nations, a été sanctionné par l’expérience : elle s’en est abstenue. 2° Sans doute la commission n’avait pas à entrer dans le détail des manifestations de la bienfaisance privée ; mais il est des cas où celle-ci se combine de la façon la plus heureuse avec la bienfaisance publique, où elle lui communique une vertu extraordinaire, et où, par son concours, elle assure des effets d’une grande portée politique, qu’autrement on ne saurait comment atteindre. La commission n’en pouvait ignorer, d’abord parce que le mot d’ignorance ne saurait, sous aucun prétexte ni sous aucune forme, être appliqué à une réunion d’hommes aussi distingués ;