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banque des États-Unis a justifié les prévisions des défenseurs de cette grande institution, et les faillites périodiques des banques particulières commencent aujourd’hui à répandre dans le public américain la défiance et le dégoût de tout établissement de ce genre.

Les whigs essayèrent ensuite de défendre la banque des États-Unis, non plus comme régulatrice de la circulation, mais comme un précieux instrument de trésorerie. Ils firent valoir qu’elle avait offert le moyen le plus sûr de concentrer les recettes et d’effectuer les paiemens du gouvernement. L’expérience montra bientôt qu’il était impossible de confier l’argent du trésor aux banques particulières, qui se servaient des fonds publics pour se dispenser de tout encaisse métallique, et qui souvent se trouvèrent hors d’état de rendre ce qu’elles avaient reçu. L’autorisation, donnée alors aux receveurs, de conserver entre leurs mains les sommes considérables que produisaient les recettes des douanes fut pour eux une tentation ou de spéculer avec les deniers publics ou simplement de les emporter à l’étranger, et d’assez nombreuses infidélités ont été une dure leçon de défiance pour le trésor fédéral. Il fut dès-lors démontré qu’il y avait eu à la fois sûreté et économie dans l’intervention de la banque des États-Unis, et les whigs essayèrent de ressusciter la banque, non plus comme établissement commercial, mais comme agent de la trésorerie. En 1843, leur dernière tentative, au moment où ils touchaient à un succès complet, fut rendue inutile par le veto que le président Tyler opposa au vote du congrès. Les démocrates, victorieux par cette intervention imprévue de M. Tyler, n’ont point su résoudre la difficulté, et ont été eux-mêmes obligés de créer, pour le service des fonds publics, une administration bâtarde, qu’ils ont appelée sous-trésorerie d’état. Néanmoins les whigs se sont tenus pour battus, et il n’est plus question de rétablir ni la banque des États-Unis ni rien qui lui ressemble.

Une autre question avait été résolue long-temps auparavant, mais elle a eu des conséquences qui subsistent encore : c’est la question des améliorations intérieures (internal improvement), qui fut pour M. Clay l’occasion de luttes glorieuses, quoique terminées par la défaite. Washington et les présidens ses successeurs avaient uniformément recommandé au congrès d’établir ou de maintenir des droits de douane protecteurs de l’industrie naissante des États-Unis. Le peuple américain a une aversion insurmontable pour les taxes, c’est-à-dire pour toute espèce d’impôt direct, soit sur le capital, soit sur le revenu. L’intérêt de la tranquillité publique et la nécessité de protéger l’industrie nationale commandaient donc de s’adresser aux impôts indirects, et particulièrement aux droits de douane. Heureusement ces droits donnaient un produit assez abondant pour suffire et au-delà aux dépenses de la confédération. Aussi, lorsque les dépenses de la guerre de 1812