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enfans. Ce n’est pas certain, par plusieurs motifs. S’il avait eu la faculté de retirer ses fonds à volonté, il est permis de craindre qu’il n’eût été tenté de le faire souvent dans ce laps de temps de plus d’un tiers de siècle, pour s’engager dans des spéculations aventureuses pour dépenser inconsidérément dans le plaisir. Il n’en serait rien resté alors, ni à ses enfans ni à lui-même. Sa vieillesse eût obéré sa famille. Ainsi qu’il était dit dans le travail d’une commission libre, qui s’était constituée, il y a sept ans, sous la présidence de M. Molé, et dont le rapport a servi de point de départ à la plupart des études sur la matière : « à l’inverse de ce qui a lieu dans les familles aisées, où des rentes viagères ne semblent pouvoir être constituées au profit des ascendans qu’au détriment des héritiers, la constitution d’une pension de retraite sur la tête des chefs de famille qui vivent de salaire, dans des classes où l’héritage est presque inconnu, empêche les vieillards d’être à la charge de leurs enfans, leur permet d’achever leurs jours au milieu d’eux, entourés de soins, que la pension qu’ils apportent rend et plus faciles et plus affectueux. Les maires des villes populeuses peuvent certifier ce que nous avançons ici douchant les conditions d’existence des vieillards qui appartiennent aux classes ouvrières. Il y a tel arrondissement de Paris où il a suffi d’une allocation de 8 francs par mois pour retenir au sein de leur famille ceux que l’âge et le dénûment allaient en exiler. »

Même avec le caractère de la tontine, la caisse des retraites est déjà une forme de la prévoyance, forme imparfaite, soit ; mais il y a quelque chose de bien plus imparfait, c’est de n’avoir de prévoyance d’aucune sorte et d’aller au cabaret boire ce qu’il serait possible d’épargner. Si vous retirez du cabaret, par le moyen d’une prévoyance tout individuelle, l’homme qui est enclin à le fréquenter, c’est déjà un service que vous lui rendez. Vous lui donnez le commencement de la prévoyance, le reste viendra ensuite, très probablement, par un enchaînement naturel.

Mais le gouvernement n’est pas forcé, s’il ouvre des caisses de retraite, de les organiser toutes sur le pied de la tontine ; il peut bien, à côté des placemens en viager, instituer des caisses où la totalité des versemens en capital, sans les intérêts, reviendrait à la famille ; il peut donner la faculté de passer de celle-ci, qui semble avoir moins de déférence pour le sentiment de la famille, à celle-là qui le ménagerait davantage, sans réciprocité. Enfin il peut n’instituer que cette dernière sorte de caisse de retraites : Avec ce système ; la quotité des pensions différerait assez peu de ce qu’on obtient par la tontine[1]. Cette combinaison

  1. La différence équivaut à peu près à 1 pour 100 dans le taux d’intérêt qui sert à calculer les pensions. C’est comme si on prenait le taux de 4 au lieu de 5. C’est ce qui résulte des calculs exposés (page 51) dans le premier rapport de M. Benoist d’Azy, dont il va être parlé.