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l’honneur du conseil municipal de Rouen, qu’après un plus ample informé, il revienne sur sa décision négative.

J’ai déjà été bien long sur ce sujet des logemens : il me faut pourtant dire encore que l’autorité excède ses pouvoirs d’une façon dangereuse, quand elle tente de réglementer par le menu une affaire de ce genre. C’est s’ingérer dans les détails de la vie intime plus qu’il ne convient. Si l’autorité s’immisce dans les logemens autrement que par des prescriptions générales analogues à la législation anglaise, pourquoi ne pas s’occuper de même en détail de la nourriture, et puis de l’habillement, du chauffage, de l’éclairage ? Nous nageons alors en plein socialisme : l’état se mêle de tout, préside à tout, envahit tout, et la société devient un couvent ou une caserne. Quand on combat le socialisme, on doit être attentif à ne pas le copier.

La commission a accordé une attention particulière aux caisses de secours mutuels, aux caisses d’épargne, à la caisse des retraites. Elle a pour les caisses d’épargne un grand respect que tout le monde doit partager ; elle leur maintient le patronage de l’état, qui consiste en ce qu’il se fait le dépositaire de leurs fonds, en garantit la restitution, et en sert un intérêt convenable. Elle étend aux caisses de secours le bienfait de cette protection sous plusieurs formes ; non-seulement le trésor sera leur caissier, mais encore le conseil d’état examinera leurs statuts, afin qu’ils soient conformes à la raison, et qu’ils cessent de contenir des calculs que l’arithmétique désavoue ; source d’irréparables désappointemens pour les sociétaires. Après cet examen, on leur accorderait la qualité d’établissemens d’utilité publique, afin qu’elles fussent aptes à recevoir des dons et des legs.

Relativement aux caisses de secours mutuels, la commission exposer peut-être trop en raccourci, et sans en tirer de conclusion suffisante, quelques observations d’un grand intérêt. En soi, la pensée de ces sociétés est utile et morale ; elles ne sont cependant pas sans inconvéniens possibles, je ne dis pas assez, sans périls. Dans un assez grand nombre de circonstances, les sociétés de secours mutuels, telles qu’elles ont été jusqu’ici presque toutes, c’est-à-dire uniquement composées de personnes de la classe ouvrière et administrées par les ouvriers seuls, sont devenues des sociétés politiques où l’on a discuté, exclusivement du point de vue de l’ouvrier, les questions sociales. On s’y communiquait les griefs qu’on avait ou qu’on croyait avoir contre les chefs d’industrie, et les notions d’économie sociale qu’on avait puisées à des sources trop souvent suspectes. On s’y est ainsi aigri mutuellement : déplorable mutualité ! Les hommes ardens s’y sont érigés en meneurs cet ont intimidé ceux qu’ils ne pouvaient convaincre. Les sociétés secrètes ont cherché à y exercer de l’influence, et elles y sont parvenues. Bientôt, sous le prétexte, plausible au premier aspect, de parer aux