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garnis spécialement affectés aux ouvriers, la surveillance minutieuse de l’autorité est facile à justifier. Il n’en est pas de même pour les logemens ordinaires. Jusqu’à quel point l’autorité pourrait-elle interdire la location de pièces qui ne présenteraient pas certaines conditions d’aérage, de lumière, d’espace, et en général de salubrité ? Telle pièce où un homme seul sera assez bien, s’il y porte quelque attention, deviendra un séjour malsain pour trois ou quatre personnes ; mais une seule personne malpropre, qui aura par exemple les habitudes des chiffonniers de Paris, dont M. Frégier a tracé le triste portrait, empestera le local où quatre personnes soigneuses vivraient sainement. Quand il assume la responsabilité de provoquer, de la part des autorités municipales, des règlemens sur le régime intérieur des habitations, le législateur ne saurait être trop circonspect, trop réservé. On tombe facilement alors dans l’inquisitorial. Pour avoir trop voulu protéger l’ouvrier, fréquemment on l’aura vexé, et en pure perte. Que lui répondre, s’il allègue qu’il n’a pas le moyen de louer une pièce plus spacieuse ? Y aurait-il alors des indemnités de logement comme celles qu’on donne aux officiers de l’armée ?

ll y a une classe de logement qui est essentiellement malsaine, ce sont les caves où vivent beaucoup d’ouvriers en tous pays d’Europe, et qui, en France, offrent des spectacles affligeans, que récemment a décrits M. Blanqui pour la ville de Lille. S’il y a des logemens à frapper d’interdit, ce sont ceux-là. Dans cette humidité, au milieu de cet air lourd qui ne se renouvelle pas, dans ces tanières où jamais n’entre un rayon de soleil, l’homme s’étiole et dépérit ; mais il faut des cas aussi bien caractérisés pour que le législateur puisse donner aux autorités locales un droit exorbitant sur la propriété, tel que celui de la frapper d’interdit. Avec des administrations municipales comme on en voit en temps de révolutions, une loi pareille mènerait loin ; même dans les temps réguliers, il est impossible que le vague des indications ne donne pas lieu à des abus ; dans les lois et les règlemens, le vague engendre l’arbitraire, et l’arbitraire sème l’irritation dans le public.

C’est ce que les Anglais ont bien senti. Dans une loi toute récente. (31 août 1848) sur la matière, ils ont accordé a des corps administratifs, constitués pour la surveillance de l’hygiène des villes, la faculté de l’interdit, mais il est expressément stipulé que c’est contre les caves seules, et encore, pour ce qui est des constructions existantes, contre certaines caves très clairement désignées. Voici la teneur de l’article : « Aucune cave établie, à partir de la présente loi, ne pourra être louée comme habitation, et on ne pourra louer de même aucune cave antérieurement bâtie qui n’aura pas été louée encore. Quant aux caves déjà occupées comme logement, on ne pourra les louer séparément pour cet usage, à moins qu’elles n’aient 1° 7 pieds anglais (2 mètres