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nous procurer même une gloire véritable. Ce n’est pas que nos soldats n’y aient fait preuve de la plus admirable bravoure, et nos officiers d’un prodigieux et infatigable dévouement à la patrie ; mais cet héroïsme est rendu vain pour la gloire de la France, parce que nous ne le fécondons pas par une administration intelligente. En fait de colonies. la gloire solide n’existe pas, s’il n’y a pas quelque profit à côté, car une colonie n’est fondée et ne perpétue la mémoire de ses fondateurs, peuple ou chef, que lorsqu’elle rapporte quelque chose, c’est-à-dire lorsqu’elle a une agriculture, un commerce, une population civilisée fixée sur le sol. Tout cela manque en Algérie ; nous n’avons pas su l’y mettre. Là-dessus la commission, pour justifier ce qui s’est fait, répond que l’Afrique « a formé les soldats et les généraux qui ont défendu la France contre l’anarchie, et qui la font aujourd’hui respecter du monde. » Je ne conteste pas que nous n’ayons eu de cette manière une certaine compensation des trésors que nous y avons dépensés ; mais ce n’est pas là de la colonisation. Qu’on nous vante tant qu’on le voudra l’Algérie comme une école militaire, nous aurons encore le droit de trouver que, comme telle, elle coûte cher ; mais pas de confusion. Ne raisonnons pas à la façon des grognards qui, de quelque sujet qu’on leur parle, répondent par un épisode de la bataille d’Austerlitz. La commission n’avait pas reçu le mandat de rechercher les moyens de faire l’éducation de l’armée française. Elle avait à signaler les moyens de faciliter le travail, d’assister l’homme industrieux dans sa lutte contre la misère, dans ses efforts pour s’élever à l’aisance. Il est possible que l’Algérie soit destinée à y servir : c’est un espoir qu’il est certainement permis de conserver ; mais, encore une fois, quel est le chemin à suivre ? La commission ne l’a pas montré, ou elle ne l’a montré qu’à rebours. En Algérie, il faudrait à l’homme industrieux, à l’esprit d’entreprise en général, plus de liberté ; on ne nous parle que de l’intervention directe de l’autorité.

Puisque la commission s’occupait de la colonisation, on pouvait s’attendre à ce qu’elle mentionnât les plans qui se sont produits depuis quinze ou vingt ans en Angleterre, qui y ont été l’objet de la discussion publique et de la délibération officielle, et qui ont été adoptés par des associations puissantes auxquelles ils ont valu des succès désormais constatés. Nous voulons parler, par exemple, des idées de M. Wakefield, consignées par lui dans un traité spécial, qui sont en vigueur à l’égard de la partie la plus florissante de l’Australie. Jamais une colonie n’a réussi que lorsqu’elle a eu un système d’économie industrielle et sociale qui fût en rapport avec le climat, avec l’aptitude et les penchans des colons. Dans le Canada, que la commission nous vante plus que de raison, car ce n’était qu’un embryon lorsque nous le perdîmes, il y avait une donnée sociale assez arrêtée, on y avait transporté la tenure