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coûteux, que le travail libre, se recommanderaient d’un certain point de vue où en des temps tels que le nôtre l’autorité est admise à se placer. Par là on pourrait fixer et surveiller une partie de cette population flottante et déclassée qui s’agite dans notre pays, et qui est toujours prête à le bouleverser. Ce serait même, circonstance précieuse, le moyen de la moraliser. Sous cette forme, la contrainte que la société est en droit, pour sa légitime défense, d’exercer contre les vagabonds, serait moins dure que sous aucune autre. On dit que le travail paisible des champs guérit les fous, à plus forte raison pourrait-il calmer des esprits en révolte et rétablir des corps épuisés, tantôt par le besoin, tantôt par l’inconduite. L’expérience faite par la Hollande autorisait, à cet égard, des espérances.

Quant aux colonies extérieures dans des possessions françaises et aux émigrations sur des territoires lointains où flotte un autre drapeau que celui de la France, la commission estime que l’inaptitude à coloniser, dont on accuse les Français, nous est calomnieusement imputée, et elle espère que l’Algérie en donnera la preuve. À son gré, la colonisation en Algérie offre une belle carrière, à ceux de nos compatriotes qui veulent se faire par leur travail le patrimoine que ne leur ont pas légué leurs pères. Eh bien ! colonisons l’Algérie ; mais comment s’y prendre ? La commission ne l’indique pas, même en termes généraux. Après avoir exprimé le désir de détourner vers nos possessions d’Afrique « ce courant d’émigrans qui abandonne l’ancien monde pour le nouveau, » elle se contente de dire : « Cette colonisation sera impossible sans l’intervention de l’état. » Qu’entend-elle par là ? Que l’état ne s’est pas encore assez mêlé de la colonisation de l’Algérie ? On aurait plutôt lieu de soutenir que l’état s’en est trop mêlé. En m’exprimant ainsi, je n’ai pas en vue seulement les essais désastreux de colonisation qui ont été si légèrement tentés depuis la révolution, en 1848 et 1849, et où chaque famille a coûté à l’état, infructueusement dans beaucoup de cas, 6,000 francs environ, somme qu’elle eût regardée nommé une fortune, et qui l’eût été dans le plus grand nombre des cas, si on la lui avait remise dans la métropole. Si, comme le rapport l’affirme, et je ne le contredirai pas, « l’Afrique abonde en vegas tout aussi belles que la plaine de Grenade, qui n’attendent que la main de l’homme, » mais que l’homme ne vient pas chercher, il faut s’en prendre à ce que le régime de l’Algérie repousse les gens qui du pays de Bade ou de la Suisse, vont au loin s’établir sur l’Ohio et le Mississipi. Le régime de l’Algérie plaît, fort peu aux hommes industrieux, parce qu’on y sent beaucoup trop la main de l’état. Un pays d’où la moindre affaire est renvoyée, par-delà les mers, à Paris, pour recevoir une solution ou plutôt pour l’attendre, n’attirera jamais les bons colons. L’Afrique, telle que nous la gouvernons, ruine nos finances sans