Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/975

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un homme robuste pût gagner jusqu’à 3 francs. Un membre de la commission, ancien officier du génie, M. Monmartin, organisait et dirigeait les travaux. Il était de sa personne partout où il y avait un ordre à donner, une réprimande à administrer, un encouragement à décerner, une injustice à réparer. Ce déploiement de sollicitude cordiale, cette activité généreuse, empressée, électrisèrent les ouvriers, parce qu’en même temps on se montrait envers eux clairvoyant, ferme sur l’article du devoir, et, en cas de nécessité, sévère. L’ouvrier est loin de détester la sévérité ; il l’aime, pourvu qu’elle soit juste et impartiale. Il n’est docile et soumis qu’envers ceux qu’il estime, et il n’estime ses chefs que quand il les sait non-seulement éclairés, équitables, probes et bons, mais aussi très résolus à maintenir la discipline et à se faire respecter. On travailla donc très sérieusement aux ateliers de Lyon ; on y travailla bien. La commission n’eut, en définitive, à débourser de son fonds que 55,000 francs : Elle commandita en outre de 10,000 francs une caisse particulière, qui faisait des avances aux ouvriers sur leurs métiers sans en demander le dépôt ; elle remit aussi 5,000 fr. au mont de piété, pour qu’il augmentât ses avances et la crise fut traversée.

Le chapitre de la colonisation comprend et les colonies agricoles à l’intérieur, c’est-à-dire le défrichement des terrains jusqu’ici incultes, qui sont assez étendus en France, et la fondation de colonies au dehors, ou plus généralement l’envoi de populations plus ou moins nombreuses dans d’autres contrées, placées ou non sous la loi de la France. La commission considère comme chimérique l’idée de colonies agricoles dans l’intérieur. Elle a raison, si elle veut dire que l’organisation, sur le sol français, de colonies agricoles dont les élémens, ramassés de toutes parts, seraient juxtaposés sur la base mouvante du phalanstère ou casernés sous une discipline militaire, aurait l’inconvénient de coûter beaucoup pour rapporter médiocrement. Des colonies formées de cultivateurs qu’on attirerait par des concessions de terre gratuites ou à bas prix dans des terrains de qualité passable réussiraient beaucoup mieux que la commission ne paraît le croire ; mais des terres en friche de qualité passable, le gouvernement n’en a pas, si ce n’est quelques forêts nationales en plaine dont la superficie est bornée. S’il fallait qu’il acquît d’abord le terrain, la colonisation reviendrait fort cher. Et puis ici revient la même objection qu’on a justement élevée contre le système d’après lequel l’état serait tenu de fournir des capitaux aux citoyens. De quel droit l’état imposerait-il tous les contribuables, qui en majorité sont panures, pour fournir un domaine à quelques-uns qui n’ont pas plus de titres que leurs voisins ?

Elles-mêmes cependant, les colonies agricoles soumises à une discipline plus ou moins militaire, tout en offrant un mode de culture plus