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M. l’archevêque de Dublin, dans un discours prononcé en 1847, a dit que tout le monde, sans exception, faisait, bon gré, mal gré, de l’économie politique par le fait même de disserter sur les questions sociales et financières. Seulement, ajoute le savant prélat, les uns la font bonne ; ce sont ceux dont les raisonnemens reposent sur des principes, tandis que d’autres la font détestable, ce sont ceux qui prennent leur point de départ dans des préjugés vulgaires ou dans des sophismes qui, pour être rhabillés de neuf, n’en sont pas moins le plus souvent aussi anciens que la sottise humaine. En 1848, les ouvriers, sur la trace des meneurs auxquels ils se confiaient alors, faisaient de l’économie politique radicalement mauvaise, quand ils applaudissaient au système des associations dites fraternelles, dans lesquelles le patron, avec le capital dont il est le représentant, sinon le propriétaire, n’eût été et dans la répartition des produits n’eût obtenu rien de plus que le dernier homme de peine. Leur économie politique n’était pas moins vicieuse, quand ils réclamaient que l’état se chargeât de leur fournir des instrumens de travail, c’est-à-dire des capitaux ; mais on en ferait d’une qualité bien suspecte, si l’on prononçait une condamnation absolue contre le principe d’association, traduction et développement de la sociabilité même. Voilà pourtant ce qu’a fait la commission, ou tout au moins ce qu’elle semble faire. Nous citons textuellement : « Elle (la commission) déclare qu’elle ne croit pas à des collections d’individus les propriétés nécessaires pour l’exploitation d’une industrie quelconque, » et j’ai vainement cherché dans le rapport un passage qui corrigeât l’absolu de cette sentence, en laissant quelque chance à l’esprit d’association appliqué au travail. L’assemblée constituante de 1789 se laissa entraîner un jour jusqu’à décréter que les personnes d’une même industrie ne peuvent avoir des intérêts communs (décret dû 17 juin 1791) ; une erreur qui, chez la glorieuse assemblée de 1789, s’expliquait par l’ardeur de la lutte contre les ci-devant corporations d’arts et métiers dont les tronçons s’agitaient et cherchaient à se rejoindre dans un sentiment, contre-révolutionnaire, serait sans excuse de nos jours. Depuis nos orages, plusieurs esprits d’une rare distinction, après avoir analysé la société dans le but de découvrir ce qui lui manque pour sa stabilité et sa liberté, se sont accordés à reconnaître que l’esprit d’association, sous les mille formes qu’il peut légitimement revêtir, donnait le moyen de lever une foule de difficultés, de pourvoir à une foule de besoins et d’instituer de fortes garanties. Il y a dix années au moins que M. Rossi, dans un savant mémoire sur les changemens qu’appelait la législation française, insistait sur la part qu’il fallait accorder à l’association, part que la constituante, la convention, l’empire et les régimes suivans, sous le jour de préoccupations diverses, mais également fâcheuses, avaient eu le tort de lui