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pour s’assurer le concours de son semblable, et cette cession, il doit la faire autant que possible au profit du pouvoir le plus rapproché de lui. Le rouage essentiel sera donc la commune, comme le pouvoir le plus rapproché de l’individu ; l’état n’a pas le droit de faire ce que les individus isolés ou réunis peuvent faire suffisamment bien, son unique mission est de se charger de ce que les individus, même en s’associant, ne peuvent faire aussi bien que lui. De même, au sein de la confédération, chaque état, étant une société complète, un gouvernement organisé, a droit à une entière liberté d’action, et le rôle du pouvoir central n’est pas de diriger la confédération, mais de servir d’arbitre entre tous les états qui ont concouru à l’élire.

Nous nous bornons à exposer le fond même de la doctrine des deux partis, car leurs opinions, si éloignées en théorie, s’accordaient souvent dans la pratique. Il ne s’agissait, après tout, que d’interpréter la constitution dans un sens favorable ou contraire à la centralisation administrative, les uns ayant pour maxime de fortifier autant que possible le pouvoir central, et les autres cherchant à le contenir dans d’étroites limites. On ne sera pas surpris d’apprendre que l’avocat, le diplomate et l’écrivain du parti démocratique fut un Genevois, M. Albert Gallatin, mort il y a quelques mois seulement, et qui avait apporté de sa patrie, la république fédérative des Suisses, les idées les plus hostiles à toute centralisation.

Les fédéralistes éprouvèrent un premier et décisif échec, lorsqu’ils ne purent faire réélire M. Adams, le premier successeur de Washington, et que Jefferson, après une lutte acharnée, arriva à la présidence. On avait habilement exploité contre eux les habitudes fastueuses du second président. M. Adams réunissait la fortune des deux familles des Quincy et des Adams, qui étaient au nombre des plus riches de l’Union, qui ont donné leur nom à des villes et à des comtés dans la Nouvelle-Angleterre, et qui peuvent, par une filiation bien établie, remonter non-seulement aux fondateurs de la colonie, mais suivre leur origine jusque dans la vieille contrée (old country), comme on disait avant la guerre de l’indépendance. Il croyait qu’il était bon de relever par un certain éclat extérieur la première dignité de la république, et il tenta d’établir dans les réceptions présidentielles une sorte de cérémonial et d’étiquette que Jefferson qualifia de faste royal, et qui servit de prétexte à ses partisans pour dépopulariser l’ami de Washington. La guerre de 1812 avec l’Angleterre fit comprendre la nécessité de ne point trop affaiblir le pouvoir central et réunit les deux partis ; l’administration conciliante de Madison aida encore puissamment à ce rapprochement. C’est à ce moment que fut rétablie pour trente ans la banque des États-Unis, dont le privilège, expiré en 1811, n’avait pas été renouvelé à cause de l’opposition des démocrates. Le parti fédéraliste