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REVUE. — CHRONIQUE.

donne aux provinces des institutions beaucoup plus étendues que celles de nos conseils-généraux, et il prépare, quoiqu’on le nie, une constitution parlementaire pour l’empire entier. La difficulté de satisfaire à la fois les Croates, les Serbes, les Valaques, les Slovaques et les Magyars, en divisant la Hongrie, est la seule cause du retard que ce grand travail de législation éprouve. Le prince Windischgraetz, qui, dans son commandement en Hongrie, a donné à la noblesse magyare toutes les preuves possibles de complaisance et de sympathie, semble avoir été choisi dans cette question pour médiateur entre le cabinet et les Magyars. Il est à espérer que les conseils du ban de Croatie seront également pris en considération, et que l’on arrivera à un compromis qui, sans satisfaire entièrement les parties, sera cependant infiniment plus favorable à leurs intérêts que l’état de choses d’avant la guerre. Des symptômes de mécontentement ont éclaté récemment en Dalmatie dans le voisinage des indomptables Monténégrins ; plusieurs fois aussi les Serbes de la Waivodie ont montré des dispositions hostiles. Sitôt que la constitution générale de l’empire aura été terminée, les passions suivront un autre cours. Les diverses races dont l’empire est formé ne songeront plus qu’à prendre une position purement légale, et elles ne demanderont plus qu’au triomphe des majorités le succès de leurs prétentions. Le cabinet le sait bien. C’est pour cette raison que d’une part il se hâte de résoudre la question constitutionnelle, et que de l’autre il ne s’effraie point des protestations isolées que sa politique rencontre chez les Dalmates et les Serbes.



REVUE MUSICALE.

HENRIETTE SONTAG. — LES THEÂTRES ET LES CONCERTS.


Une des rares consolations qui aient été données aux amis de l’art musical depuis la révolution de février 1848, c’est de voir reparaître sur la scène du monde une artiste célèbre qui en avait été l’ornement. Mlle Sontag, après avoir enchanté l’Europe par la beauté de sa voix, par une vocalisation merveilleuse et les charmes de sa personne, disparut tout à coup aux yeux de ses nombreux admirateurs, et alla enfouir l’éclat d’une gloire incontestée et péniblement acquise sous le voile de l’hyménée. Mlle Sontag devint Mme de Rossi ; elle échangea un diadème contre une couronne de comtesse, et la muse de la grace devint une humble ambassadrice. Il a fallu une révolution politique qui a bouleversé toutes les existences pour nous rendre la cantatrice éminente que nous avions tant admirée de 1826 à 1830. Mme de Rossi, qui, fort heureusement pour nos plaisirs, a perdu son ambassade et une partie de sa fortune, assure-t-on, est redevenue Mlle Sontag. Après avoir émerveillé la haute société de Londres, qui l’a accueillie l’hiver dernier avec une grande distinction, Mlle Sontag a voulu se représenter aussi, après vingt ans de silence, devant ce public parisien dont les acclamations intelligentes avaient été jadis son plus beau titre de gloire.