situation actuelle. Depuis 1844, les États-Unis semblent entrés dans une période de transition qui mérite le plus sérieux examen ; les luttes politiques sont définitivement vidées, et les partis les prolongent plutôt par obstination et pour perpétuer leur propre existence que dans l’espoir de rien conquérir les uns sur les autres. Des luttes nouvelles se préparent, bien autrement vives et redoutables que les luttes anciennes ; les questions territoriales tendent à se substituer définitivement aux questions administratives et politiques. Il y a là en germe toute une série de graves difficultés qui pourraient mettre un jour en péril, comme on va s’en convaincre, l’existence même de l’Union.
La rédaction de la constitution américaine donna lieu, au sein de l’assemblée constituante, aux débats les plus orageux. Un jour, à la suite d’une lutte très vive où les esprits s’étaient irrités, les délégués s’étaient levés et allaient se séparer en renonçant à continuer leur œuvre, lorsque Gouverneur Morris, reprenant la parole, adressa à ses collègues un appel si touchant, que toute colère tomba aussitôt et que les sentimens de conciliation reprirent le dessus. « Si Gouverneur Morris avait gardé le silence, disait plus tard un témoin oculaire, devenu président, jamais les États-Unis n’auraient eu de constitution, et jamais je ne me serais assis sur le siège de Washington. » Le jour de la proclamation de la constitution vit naître le parti fédéraliste et le parti démocratique, il vit le peuple américain se partager irrévocablement entre eux.
Les fédéralistes, qui durent leur nom à leurs opinions, et surtout à un remarquable ouvrage publié pour servir de commentaire et d’apologie à la constitution nouvelle, se déclarèrent partisans du pouvoir fédéral et de tout ce qui pouvait fortifier son action et son autorité, même aux dépens de la souveraineté des treize états confédérés. L’Amérique, suivant eux, ne pouvait être bien administrée et ne pouvait avoir au dehors une politique vigoureuse et respectée qu’autant que le pouvoir central ne rencontrerait au dedans aucun obstacle dans les prétentions des états isolés. C’était la force du pouvoir central qui ferait vis-à-vis de l’étranger la force de la confédération. À la tête des fédéralistes était Washington, qui, malgré l’impartialité que lui commandait sa position, a laissé clairement percer ses sympathies. L’expérience de la guerre de l’indépendance, le souvenir des mille difficultés que lui avaient suscitées, pendant son commandement, les rivalités, les lenteurs et l’impéritie des gouvernemens particuliers, lui faisaient juger indispensable d’établir l’unité de pouvoir et de direction, et d’investir l’autorité centrale d’une suprématie incontestée. Les