à faire sur ce point. Nous ignorons si, en effet, le principe d’association ne pourrait pas être appliqué d’une manière utile aux classes ouvrières sans ébranler les bases constitutives de l’industrie elle-même ; mais il est certain que le problème, dans les termes du moins où on le pose, n’a encore été résolu nulle part, et qu’il l’est moins que partout ailleurs dans le système soumis à l’assemblée. Ce système n’est encore, à vrai dire, qu’une nouvelle rêverie socialiste, aussi dangereuse et aussi subversive dans son application que toutes les chimères du même genre dont la tribune et la presse ont déjà fait justice. Un excellent discours de M. Léon Faucher a rétabli les vrais principes sur cette matière. Nous agirions désiré que ce discours eût produit un résultat plus décisif. Après cette savante analyse et cette réfutation péremptoire, la proposition était jugée ; pourquoi n’a-t-elle pas été immédiatement écartée ? Pourquoi une seconde délibération, qui n’apprendra rien de plus que la première, et qui fera perdre à l’assemblée un temps précieux ?
Puisque l’assemblée a décidé que la question des associations ouvrières serait discutée de nouveau, on trouvera bon que nous disions ici quelques mots du système qui a été proposé.
Que demandent les auteurs de ce système ? Ils demandent que les associations d’ouvriers puissent être appelées à exécuter comme concessionnaires les travaux de l’état, ceux des départemens, des communes et des établissemens publics ; ils demandent que ces associations soient dispensées de fournir des cautionnemens ; de plus ; pour les mettre à l’abri de toute concurrence sérieuse, ils demandent que l’état impose aux entrepreneurs la fixation d’un minimum de salaire. Telle est la proposition dans ses termes les plus généraux. On voit que nous revenons au Luxembourg et aux ateliers nationaux. Le socialisme parlementaire d’aujourd’hui n’a pas l’esprit de M. Proudhon ni le genre d’éloquence de M. Louis Blanc ; mais il n’est pas moins révolutionnaire. Au fond, c’est toujours la même guerre contre le capital, contre le salaire, contre la concurrence, contre tous les principes qui font la base de l’industrie moderne. On veut supprimer le capital, non pas le capital de l’état car on compte hier le retenir pour subventionner toutes ces associations, qui, réduites à elles-mêmes, seraient presque toujours sans ressources, mais on veut supprimer le capital des entrepreneurs. On veut pouvoir se passer d’eux ; on eut élever l’ouvrier de la condition de salarié à celle d’associé volontaire ; on veut supprimer par là ce qu’on appelle les intermédiaires, c’est-à-dire les patrons, les chefs d’industrie, les véritables directeurs du travail, ceux qui ont l’intelligence, la capacité, l’esprit de conduite, ceux enfin sans lesquels l’industrie s’arrêterait et retomberait aussitôt dans la barbarie. On veut supprimer la hiérarchie du salaire, cette hiérarchie légitime qu’on a si indignement calomniée en l’appelant de ce mot ingrat et perfide l’exploitation de l’homme par l’homme, et qui n’est autre chose que la hiérarchie du bon sens et de la justice. On veut, en un mot, sous le prétexte d’une réforme dans le système des travaux publics, faire une révolution dans le système industriel et dans tout le mécanisme de la société car il est bien évident que si les associations ouvrières commanditées et patronées par l’état venaient à accaparer une grande partie des travaux publics, qu’elles exécuteraient d’ailleurs fort mal, et à évincer les