Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/943

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissant et accrédité dans les chambres ; nous aurions, d’un autre côté, défié la majorité d’avoir ses chefs en dehors du pouvoir. Tout cela eût été anormal il y a trois ans ; mais tout cela est tout-à-fait constitutionnel aujourd’hui. Ainsi, à l’heure qu’il est, les chefs de la majorité sont en dehors du pouvoir. Se sentent-ils plus faibles à cause de cela ? S’ils étaient ministres, seraient-ils plus forts ? Nous en doutons ; nous doutons même qu’ils puissent convenablement être ministres avec et sous un président responsable. Ne demandons donc pas au gouvernement de 1850 de suivre les habitudes du gouvernement de 1847. Ne croyons pas qu’il soit encore nécessaire que les ministres soient inévitablement les chefs de la majorité, et surtout n’allons pas renouveler la querelle des ministres qui sont plus ou moins capables de couvrir la royauté, quand précisément c’est le droit de la présidence de ne pas être couverte. Qu’on soit suffisant ou insuffisant pour couvrir la royauté, comme on disait il y a douze ans ; c’était un débat qui pouvait toujours se soulever ; mais qu’on ne soit pas suffisant pour découvrir la présidence, nous concevrions mal un débat engagé dans de pareils termes, et pourtant c’est dans ces termes qu’il faudrait l’engager.

On nous demandera peut-être à quoi répondent les réflexions que nous venons de faire sur le pouvoir législatif, sur le pouvoir exécutif, sur le pouvoir ministériel : elles ne répondent, grace à Dieu, à aucun événement ; elles répondent aux mille et une conversations qui s’entendent çà et là Venons maintenant à quelques faits, et d’abord à l’anniversaire du 24 février. Nous n’en pouvons rien dire de plus et de mieux, sinon qu’il nous a satisfaits. Ce qui nous a le plus frappés dans cet anniversaire, ce n’est pas la tiédeur de l’enthousiasme républicain, ce n’est pas l’absence des illuminations, ce qui prouve que nous sommes libres ; ce n’est pas les cinq ou six députés de la montagne qui étaient venus à Notre-Dame voir l’absence de la majorité, et qui ont été forcés d’y voir et d’y montrer l’absence de la montagne elle-même : non, il y a un fait plus caractéristique que tous ceux-là, et qui nous a montré d’une façon évidente l’affaissement des partisans de la révolution de février. Voici lequel : la veille de l’anniversaire de cette révolution, M. Thiers a été amené à dire en pleine tribune ce qu’il pensait des journées de février, et il les a qualifiées de journées funestes. Le mot était gravé la veille d’un 24 février. La montagne a beaucoup crié, et nous pensions qu’elle donnerait le mot à ses partisans du dehors, afin qu’ils fissent de l’enthousiasme pour protester contre la qualification que M. Thiers faisait du 24 février. Il n’en a rien été. Personne ne s’est ému du titre de funestes donné aux journées de février, personne n’a songé à les célébrer comme des journées heureuses et glorieuses, et le mot de M. Thiers a si bien rencontré la conscience publique qu’il n’a étonné personne ; pas même en vérité ceux qu’il frappait.

La loi sur l’enseignement secondaire est votée : il ne reste plus que la troisième lecture, qui commencera lundi prochain. Nous ne voulons pas revenir sur les divers incidens de la discussion ; nous aimons mieux remarquer combien il a fallu de modération, de fermeté, d’esprit de conciliation dans l’assemblée, pour conduire jusqu’au bout une pareille délibération. Cette loi, comme toutes les lois de transaction, déplaisait un peu à tout le monde, et il est de la nature des lois de ce genre que plus on les discute, plus se révèlent les défauts