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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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28 février 1850.

Il a paru dans cette quinzaine trois documens que ne devront certes pas négliger les futurs historiens des mauvais jours où nous vivons, parce que ces trois documens expriment de la manière du monde la plus curieuse le caractère de notre temps : nous voulons parler de l’apologie du meurtre de M. Rossi, du livre des Conspirateurs, et du procès-verbal de la séance électorale des délégués du parti démocratique et socialiste. L’apologie du meurtre de M. Rossi exprime le fanatisme mystique de quelques sectaires ; le livre de M. Chenu représente le fond de la révolution de février la séance électorale des délégués indique l’avenir que le parti démocratique réserve au pays, si ce parti est vainqueur.

Et ce n’est pas sans une sorte d’enseignement que l’apologie du meurtre de L. Rossi se trouve rapproché, par la date de la publication, des étranges révélations de M. Chenu. Le mysticisme du meurtre et la grossièreté du cabaret, voilà sous quels traits différeras, mais également odieux, se montre le parti démocratique et social. Quand il n’est pas fanatique jusqu’au meurtre, il est brutal jusqu’à l’ivrognerie. J’hésite devant ce bizarre assemblage de Brutus et de goinfres, et quand je me souviens que c’est entre ces deux genres de dictatures que Rome et Paris ont été partagées, Paris au goinfre sans conscience, Rome au sophiste assassin, je suis forcé de reconnaître que la fortune a souvent de singulières ironies contre les grandeurs de la civilisation. Ici la théorie du meurtre politique assaisonnée de je ne sais quel épouvantable attendrissement sans remords. On plaint la victime, on l’admire même ; mais quoi ! elle arrêtait la marche de la révolution ; il a fallu l’immoler, ou plutôt il a fallu la rendre