Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/934

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Doux, mais robuste et fier sous ses harnais luisans.
Madame et le défunt chanoine, tous les ans.
Le montaient une fois pour aller à la vigne.
Et Borghèse, au retour, baisait son cou de cygne.
Non, jamais, à Florence, au temps des Gibelins,
Une plus grande veuve et de tels orphelins
Ne sortirent ainsi par la porte du Dante !
Ils s’en allaient le long de la mer mugissante ;
Et comme dans la fuite en Égypte, au désert,
Seule à cheval, le front d’une mante couvert,
Madame s’avançait la première. — Le guide
Les conduisait, tenant l’animal par la bride.
Les Barbets cependant, accourus à grands pas,
Traversaient les makis semblables aux pampas ;
Leurs molosses hideux, espèce qu’on renomme,
Dressés par ces bandits à la chasse de l’homme,
Que des chaînes de fer tenaient toujours liés,
Libres cette nuit-là, bondissaient sans colliers.
Tout à coup, quel obstacle arrête la colonne
Des fugitifs ? — Quel est ce bruit ? — C’est la Gravone.
Sept fois le vieux coursier, dans un suprême effort,
Passa, puis repassa de l’un à l’autre bord.
Sept fois le montagnard, pour transporter la troupe,
Fit le trajet, en selle, avec quelqu’un en croupe.
Pauline restait seule, — et, pour la prendre, au gué,
Quand elle vit venir Colombo fatigué,
La jeune fille eut peur, dit la ballade corse ;
Il fallut l’enlever, sur les arçons, de force.
Un moment, sous Pauline et sous le cavalier,
Au milieu du torrent le cheval perdit pied.
O prodige ! on dirait qu’il vient de reconnaître,
La belle et douce enfant, nièce de l’archiprêtre,
L’enfant qui, chaque soir, au retour du jardin,
Flattait son blanc poitrail avec sa blanche main.
Le désir de sauver sa petite maîtresse
Fait plus que l’éperon qui le déchire et presse ;
Il s’élance il atteint la rive, hennissant,
Moins couvert, cette fois, d’écume que de sang !