Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’avisa de dire au caïd qu’il n’était bon qu’à se nettoyer les ongles. En rentrant à Mascara, ils se battirent à douze pas : Froidefond tire le premier, et caïd tombe, les chairs traversées au-dessous des reins ; on s’élance pour le secourir : « Arrêtez ! c’est mon droit de tirer, cria-t-il, et, se soulevant sur le coude, il étend Froidefond raide mort. Quant au caïd ; on le porta tout sanglant à l’hôpital, où il retrouva Siquot, qui se guérissait d’une blessure. À cette nouvelle, la Chica, mêlée à son existence depuis un an environ, sans trop savoir pourquoi, comme les chiens qui, par aventure, s’attachent à un escadron, courut le soigner à l’hôpital, et trois mois après il était sur pieds.

Le caïd venait de se rétablir, lorsqu’en 1843 les escadrons du 4e chasseurs, colonel en tête entraient à Mascara au son des trompettes, escortant le maréchal Bugeaud. Abd-el-Kader, à cette époque, avait établi le centre de ses opérations au sud de Mascara, et les bois qui séparent le Tell du Serssous servaient de refuge à ses bataillons réguliers, vivant de glands et des dépouilles des tribus voisines. Le général Lamoricière et le général Tempoure ne le laissaient pourtant guère en repos ; mais, épuisée par des courses continuelles, la cavalerie de la province, trop peu nombreuse, avait besoin de plusieurs mois pour se remettre en état. Aussi rien ne fut épargné pour obtenir du maréchal Bugeaud les beaux escadrons du 4e. — Le maréchal faisait la sourde oreille. — Chaque jour alors, il arrivait des réguliers déserteurs, qui donnaient des nouvelles de l’émir ; ces renseignemens, toutefois, ne paraissaient pas suffisans, lorsqu’un Espagnol fut amené un soir au capitaine Charras, chef du bureau arabe de Mascara. L’œil noir et décidé, les traits expressifs de cet homme, dénotaient l’intelligence et le caractère ; il donnait les indications les plus précises, et confirmait toutes les nouvelles que l’on avait d’ailleurs. Séance tenante, on le conduisit au maréchal, qui l’interrogea lui-même. Une heure après, les escadrons du 4e chasseurs étaient accordés, et le maréchal décidait une chasse aux bataillons réguliers dont Sidi-Embarek, l’ancien et célèbre khalifat de Milianah, était venu prendre le commandement.

Le général Tempoure fut chargé de cette mission ; on lui donna deux bataillons d’infanterie, quatre cent cinquante chevaux réguliers, cinquante spahis et quelques cavaliers irréguliers avec le chef du bureau arabe, le capitaine Charras. Puis, tout le monde, un beau matin, y compris le caïd Osman et Siquot, se mit joyeusement en route vers le sud, tandis que le maréchal Bugeaud et le général Lamoricière s’en allaient à Oran ; où les appelaient de graves intérêts.

Si les rapports du Moniteur n’en rendaient pas témoignage, si tous ne venaient l’affirmer, vous traiteriez de fable le récit de cette course. Cavalerie et infanterie marchèrent trois jours et trois nuits : le matin, on se reposait une heure et demie, le soir de six heures à minuit. Du jour où l’on était tombé sur les traces de l’ennemi, le tambour ne fut