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procureurs-généraux esdits siéges, et autres juges royaux qui seront sur les lieux.

« Exhortons nos sujets qui en ont le moyen et l’industrie de se lier et unir ensemble pour former de bonnes et fortes compagnies et sociétez de trafic, navigation et marchandise, en la manière qu’ils verront bon estre. Promettons les protéger et desfendre, les accroître de privilèges et faveurs spéciales, et les maintenir en toutes les matières qu’ils désireront pour la bonne conduite et succès de leur commerce[1]. »

Tout ce qui était possible en fait d’améliorations sociales au temps de Richelieu fut exécuté par cet homme dont l’intelligence comprenait tout, dont le génie pratique n’omettait rien, qui allait de l’ensemble aux détails, de l’idée à l’action avec une merveilleuse habileté. Maniant une foule d’affaires grandes et petites en même temps et avec la même ardeur, partout présent de sa personne ou de sa pensée, il eut à un degré unique l’universalité et la liberté d’esprit. Prince de l’église romaine, il voulut que le clergé fût national ; vainqueur des calvinistes, il ne frappa que la rébellion, et respecta les droits de la conscience[2] ; enfant de la noblesse et imbu de son orgueil ; il agit comme s’il eût reçu mission de préparer le règne du tiers-état. La fin dernière de sa politique intérieure fut ce qui faisait grandir et tendait à déclasser la bourgeoisie, ce fut le progrès du commerce et le progrès des lettres, le travail, soit de l’esprit, soit de la main. Richelieu ne reconnaissait au-dessous du trône qu’une dignité égale à la sienne, celle de l’écrivain et du penseur ; il voulait qu’un homme du nom de Chapelain ou de Gombauld lui parlât couvert. Mais, tandis que par de grandes mesures commerciales et une grande institution littéraire[3], il multipliait pour la roture, en dehors des offices, les places d’honneur dans l’état, il comprimait, sous le niveau d’un pouvoir sans bornes les vieilles libertés des villes et des provinces. États particuliers, constitutions municipales, tout ce qu’avaient stipulé comme droits les pays agrégés à la couronne ; tout ce qu’avait créé la bourgeoisie dans son âge héroïque, fut refoulé par lui plus bas que jamais. Il y eut là des souffrances plébéiennes, souffrances malheureusement nécessaires, mais que cette nécessité ne rendait pas moins vives, et qui accompagnèrent de crise en crise l’enfantement de la centralisation moderne.

  1. Ordonnance de 1899, art. 453 et 439.
  2. Aux termes du traité d’Alais, 28 juin 1639, l’édit de Nantes fut confirmé et juré solennellement par le roi.
  3. Voyez les lettres patentes de janvier 1635 pour l’établissement de l’Académie française ; les lettres de création de la charge de surintendant de la marine et de la navigation, octobre 1626 ; les lettres de juillet et novembre 1634, et l’édit de mars 1642, pour la formation et le soutien d’une compagnie des Indes occidentales. (Recueil des anciennes lois françaises, t. XVI ; p. 418, 194, 409, 415 et 540.)