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les erremens politiques de son père, d’entretenir les mêmes alliances et de pratiquer les mêmes règles de gouvernement, de pourvoir à ce que sa souveraineté fût garantie contre les doctrines ultramontaines, et à ce que l’intérêt étranger ne s’insinuât par aucune voie dans la gestion des affaires d’état. Il passait en revue tous les désordres de l’administration la ruine des finances, les prodigalités, les dons excessifs et les pensions de faveur, les entraves mises à la justice par la cour et la haute noblesse, la connivence des officiers royaux avec les traitans, et l’avidité insatiable des ministres ; il montrait en perspective le soulèvement du peuple réduit au désespoir, et concluait par ces mots d’une fierté calme : « Sire, nous supplions très humblement votre majesté de nous permettre l’exécution si nécessaire de l’arrêt du mois de mars dernier. : . Et au cas que ces remontrances, par les mauvais conseils et artifices de ceux qui y sont intéressés, ne puissent avoir lieu et l’arrêt être exécuté, votre majesté trouvera bon, s’il lui plaît, que les officiers de son parlement fassent cette protestation solennelle, que, pour la décharge de leurs consciences envers Dieu et les hommes, pour le bien de votre service et la conservation de l’état, ils seront obligés de nommer ci-après en toute liberté les auteurs de tous ces désordres, et faire voir au public leurs déportements[1]. »

Le lendemain, 23 mai, un arrêt du conseil, ordonna de biffer ces remontrances des registres du parlement, et défendit à la compagnie de s’entremettre des affaires d’état sans l’ordre du roi. Le parlement demanda une nouvelle audience, elle lui fut refusée, et des ordres réitérés lui enjoignirent d’exécuter l’arrêt du conseil ; il résista, employant avec art tous les moyens dilatoires que sa procédure lui fournissait ; mais, tandis qu’il soutenait pied à pied la lutte légale, ceux qu’il avait convoqués à ses délibérations quittaient Paris et préparaient tout pour une prise d’armes. Le prince de Condé, le duc de Vendôme, les ducs de Bouillon, de Mayenne, de Longueville et d’autres grands seigneurs soulevèrent les provinces dont ils avaient le gouvernement, publièrent un manifeste contre la cour et levèrent des soldats au nom du jeune roi, violenté, disaient-ils, par ses ministres. Profitant des inquiétudes causées par les complaisances du gouvernement pour la coure de Rome, et par ses liaisons avec l’Espagne, ils entraînèrent dans leur parti les chefs des calvinistes[2], et la cause de la religion réformée, une fois associée à celle de la rébellion aristocratique, resta compromise par cette alliance. Ainsi commença, pour les protestans, la série de

  1. Des États-Généraux, etc., t. XVII, deuxième partie, p. 174 et suiv.
  2. Les ducs de Rohan, de Soubise et de La Trémouille, et même le duc de Sully.