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qui invitait les princes, ducs, pairs et officiers de la couronne, ayant séance et voix délibérative en la cour à s’y rendre, pour aviser sur les choses qui seraient proposées pour le service du roi, le bien de l’état et le soulagement du peuple. Cette convocation, faite sans commandement royal, était un acte inoui jusqu’alors ; elle excita dans le public une grande attente, l’espérance de voir s’exécuter par les compagnies souveraines ce qu’on s’était vainement promis de la réunion des états. Le conseil du roi s’en émut comme d’une nouveauté menaçante, et, cassant l’arrêt du parlement par un contre-arrêt, il lui défendit de passer outre, et aux princes et pairs de se rendre à son invitation. Le parlement obéit ; mais aussitôt il se mit en devoir de rédiger des remontrances : un nouvel arrêt du conseil lui ordonna de s’arrêter ; cette fois, il n’obéit point et continua la rédaction commencée. Les remontrances prêtes, le parlement demanda audience pour qu’elles fussent lues devant le roi, et sa ténacité, soutenue par l’opinion publique, intimida les ministres ; durant près d’un mois, ils négocièrent pour que cette lecture n’eût pas lieu, mais le parlement fut inébranlable, et sa persévérance l’emporta Le 22 mai, il eut audience au Louvre et fit entendre au roi en conseil, ces remontrances, dont voici quelques passages :

« Sire, cette assemblée des grands de votre royaume n’a été proposée en votre cour de parlement que sous le bon plaisir de votre majesté, pour lui représenter au vrai, par l’avis de ceux qui en doivent avoir le plus de connoissance, le désordre qui s’augmente et multiplie de jour en jour, étant du devoir des officiers de votre couronne, en telles occasions, vous toucher le mal, afin d’en atteindre le remède a par le moyen de votre prudence et autorité royale, ce qui n’est, sire, ni sans exemple ni sans raison… Ceux qui veulent affoiblir et déprimer l’autorité de cette compagnie s’efforcent, de lui ôter la liberté que vos prédécesseurs lui avoient perpétuellement accordée de vous remontrer fidèlement ce qu’elle jugeroit utile pour le bien de votre état. Nous osons dire à votre majesté que c’est un mauvais conseil qu’on lui donne de commencer l’année de sa majorité par tant de commandemens de puissance absolue, et de l’accoutumer à des actions dont les bons rois comme vous, sire, n’usent jamais que fort rarement[1]. »

Après avoir présenté à sa manière les faits de son histoire, dit qu’il tenait la place du conseil des grands barons de France, et qu’à ce titre il était de tout temps intervenu dans les affaires publiques, le parlement proposait un cahier de réformes à l’instar de ceux des états-généraux. Il demandait au roi de reprendre à l’intérieur et à l’extérieur

  1. Des États Généraux, etc., t. XVII, deuxième partie, p. 141 et 144.