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tiers-état[1]. Si le parlement tenait de ces derniers sous et certains rapports, il en différait sous d’autres ; son opposition la plus courageuse était parfois égoïste ; il avait quelques-uns des vices de la noblesse, à laquelle il confinait. Mais, malgré ses travers et ses faiblesses, ceux qui souffraient des abus ne se lassaient point de croire à lui et de compter sur lui. Il semble qu’au fond des consciences populaires une rois se fît entendre qui disait : Ce sont nos gens, ils ne sauraient vouloir que le bien du peuple.

Les faits restèrent, dans toute occasion, fort au-dessous des espérances, et il n’en pouvait être autrement. Si les cours souveraines avaient le mérite de parler haut, leur parole manquait de sanction. Instituées les rois pour administrer la justice ; elles n’avaient pas même l’ombre de ce mandat national qui, donné ou présumé, confère, dans telle ou telle mesure, le droit d’agir contre la volonté du monarque. Dès que venait le moment de faire succéder l’action aux remontrances, d’opposer des moyens de contrainte à l’obstination du pouvoir, le parlement se trouvait sans titre et sans force ; il devait s’arrêter ou recourir à des auxiliaires plus puissans que lui, aux princes du sang, aux factieux de la cour, à l’aristocratie mécontente. Quand il avait refusé au nom de l’intérêt public l’enregistrement d’un édit ou la suppression d’un arrêt, et conservé une attitude libre et fière malgré l’exil ou l’emprisonnement de ses membres, son rôle était fini, à moins qu’il n’eût fait alliance avec des ambitions étrangères à la cause du peuple et au bien du royaume. Ainsi les plus solennelles manifestations de patriotisme et d’indépendance n’aboutissaient qu’à des procédures sans issue, ou à la guerre civile pour l’intérêt ou les passions des grands. De nobles commencemens et des suites mesquines ou détestables, le courage civique réduit, par le sentiment de son impuissance, à se mettre au service des intrigues et des factions nobiliaires, telle est, en somme, l’histoire des tentatives politiques du parlement. La première de toutes, qui fut, sinon la plus éclatante, au moins l’une des plus hardies, présenta ce caractère qu’on retrouve sur une plus grande échelle et avec de nombreuses complications dans les événemens de la fronde.

Le 28 mars 1615, quatre jours après la dissolution des états-généraux, le parlement, toutes les chambres assemblées, rendit un arrêt

  1. On en vit un exemple en 1615 à propos du droit annuel d’où provenait l’hérédité des charges. La chambre du tiers-état en avait demandé l’abolition, quoique la plupart de ses membres fussent officiers de judicature. Le parlement, dès que les cahiers eurent été remis au roi, s’assembla pour protester contre cette réforme et pour dénoncer en même temps les abus de l’administration, faisant ainsi un mélange bizarre de l’intérêt public et de son intérêt particulier. (Voyez la Relation de Florimond Rapine, IIIe part., p. 130, 131 et 137.)