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du temps lui rendit hommage et le vengea de sa défaite. Pendant que les ordres privilégiés recevaient de la cour de Rome des brefs de félicitation[1], à Paris des milliers de bouches répétaient ce quatrain, composé pour la circonstance, et qu’aujourd’hui l’on peut dire prophétique.

O noblesse, ô clergé, les aînés de la France,
Puisque l’honneur du roi si mal vous maintenez,
Puisque le tiers-état en ce point vous devance,
Il faut que vos cadets deviennent vos aînés[2].

À la demande de garanties pour la souveraineté et pour la sûreté du prince, le tiers joignit dans son cahier, sous le même titre : Des lois fondamentales de l’état, la demande d’une convocation des états-généraux tous les dix ans, et il fût le seul des trois ordres qui exprima ce voeu. Le cahier de 1615 rappelle par le mérite et dépasse en étendue celui de 1560[3]. Il a ce caractère d’abondance inspirée qui se montre aux grandes époques de notre histoire législative. Institutions politiques, civiles, ecclésiastiques, judiciaires, militaires, économiques, il embrasse tout, et, sous forme de requête, statue sur tout avec un sens et une décision admirables. On y trouve l’habileté prudente qui s’attache à ce qui est pratique et de larges tendances vers le progrès à venir, des matériaux pour une législation prochaine, et des vœux qui ne devaient être réalisés que par un ordre de choses tout nouveau. Je voudrais donner une idée complète de cette œuvre de patriotisme et de sagesse[4] ; mais il faut que je me borne à l’analyse de quelques points. Je choisirai parmi les demandes qui, appartenant au tiers-état seul, ne se rencontre dans le cahier d’aucun des deux autres ordres :

Que les archevêques et évêques soient nommés suivant la forme prescrite par l’ordonnance d’Orléans[5], c’est-à-dire sur une liste de

  1. Voyez procès-verbal et cahier de la noblesse, manuscrit de la Bibliothèque du roi, fonds de Brienne, numéro 2833, fol. 172.
  2. Manuscrit de la Bibliothèque du roi, collection Fontanieu. (Pièces, lettres et négociations). P. 187.
  3. On y compte 659 articles formant neuf chapitres intitulés : Des lois fondamentales de l’état de l’église, des hôpitaux, de l’Université, de la noblesse, de la justice, des finances et domaines, des suppressions et révocations, police et marchandise.
  4. Ce que je dis s’applique à l’ensemble et non à tous les articles du cahier ; plusieurs d’entre eux portent la trace inévitable des préjugés qui dominaient alors, tels que le système prohibitif, l’utilité des lois somptuaires et la nécessité de la censure.
  5. Ce mode d’élection mitigée ; s’il fut jamais suivi régulièrement, ne put l’être que de 1561 à 1579 ; l’ordonnance de Blois, rendue à cette dernière date, laisse au roi la faculté de nomination pure et simple.