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du sensualisme, toute la psychologie à peu près se trouve ramassée. C’est le livre classique de M. Cousin, le plus répandu dans l’enseignement aux États-Unis et en France.

La révolution de 1830, accueillie plus que désirée par M. Cousin, ne l’arracha pas à ses calmes études, et les instances même de M. Royer-Collard ne purent le décider à entrer dans la politique active. Plus tard il fut promu à la pairie à titre de membre du conseil royal de l’instruction publique. Son enseignement continua, non plus à la Faculté des Lettres, où il avait cédé son cours à M. Jouffroy, mais dans l’enceinte plus modeste Le l’École normale, jusqu’en 1840, année où il devait être appelé au ministère de l’instruction publique, sous la présidence de M. Thiers. Comme directeur de l’École, comme chef de la section de philosophie au conseil royal, il réorganisa l’enseignement, alors stérile ou nul, de la philosophie. Un spiritualisme décidé fut du moins enseigné d’un bout à l’autre de la France, et une morale honnête prêchée à la jeunesse. Je sais qu’on attaque cet enseignement. Je n’ai pas mission de le défendre ; tout ce que je tiens à dire, c’est qu’un tel enseignement, non point systématique, non point éclectique, mais spiritualiste, a sa place nécessaire dans le cercle de l’éducation publique, dont le niveau sans lui s’abaisse, et qui perd en lui comme sa conclusion. On l’a dit avec raison : ce qu’il faut à la jeunesse après les exercices lettrés et scientifiques où se passent les premières années, ce sont des principes qui mûrissent tout ce travail antérieur et en donnent comme le secret à l’esprit. La société laïque, par la diffusion des grandes vérités métaphysiques et morales démontrées par la raison, prouve surtout qu’elle n’abdique point sa part de pouvoir spirituel.

Est-ce un sacrilège que de réclamer pour la philosophie cette part d’instruction, de prédication, d’action profonde et régulière ? Achevons de marquer à cet égard la pensée tout entière de M. Cousin.

L’alliance de la philosophie et du christianisme, tel est, on le sait, le but avoué de l’auteur des préfaces de Pascal et de la Défense de l’Université et de la Philosophie. Cette pensée est-elle sincère ? Ce but est-il possible ? Possible, n’est-il pas dans l’état actuel des esprits plus que jamais nécessaire de l’atteindre ? J’interrogerai M. Cousin sur tous ces points brièvement, mais avec netteté.

D’abord quels sont-ils donc, ces sérieux, ces redoutables argumens que l’on invoque pour en douter ? La plupart du temps je ne sais quelles saillies humoristiques, colportées, envenimées, que les ennemis n’oublient pas, alors que l’auteur ne s’en souvient plus, et dont il eût souri, je le parierais, la minute d’après : boutades échappées à l’impression du moment, qui, fussent-elles prises au pied de la lettre, constitueraient, aux yeux des plus ombrageux inquisiteurs, une accusation d’hérésie, un grief de protestantisme, si l’on veut, non un crime