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C’est par là qu’ont si ridiculement échoué les tentatives insurrectionnelles de 1848, et la situation est aujourd’hui bien autrement forte pour le gouvernement. Toutes les complications extérieures et intérieures ont disparu. La France ; qui était alors un foyer de propagande démagogique, est redevenue pour l’Espagne un point d’appui conservateur. Le Foreign-Office a trop intérêt à faire oublier non-seulement à la nation espagnole, mais encore aux deux grands partis anglais, son odieuse intrigue d’il y a deux ans, pour qu’il soit tenté de la recommencer. Les capitaux, autrefois absorbés par l’agiotage, et qui avait tout à gagner au désordre, se sont peu à peu tournés vers des spéculations régulières et sérieuses dont le succès dépend du maintien de la tranquillité publique ; ce qui était un danger pour l’ordre devient une garantie. Les manufacturiers catalans en veulent au gouvernement d’avoir porté le premier coup à leur monopole, mais le resté du pays s’est prononcé avec une unanimité telle pour le principe de la liberté commerciale, qu’ils n’oseraient pas courir, comme en 1840 et en 1843, les chances d’une insurrection. L’armée contrebandière, cet auxiliaire traditionnel des intérêts protectionnistes, est d’ailleurs désorganisée. La dissolution et le désarmement des gardes nationales lui ont enlevé son arsenal. Le nouveau tarif, en réduisant considérablement le bénéfice des importations frauduleuses, a diminué d’autant l’appât qui le jetait dans la guerre civile. La gendarmerie enfin (guardia civil), récemment introduite en Espagne est assez bien organisée pour découvrir et pour disperser à temps toute agglomération de factieux. Ainsi, plus impuissante que jamais par elle-même, la coalition carlo-démagogique n’a plus en outre à compter sur la diversion de ces intérêts, qui trouvaient jadis leur compte au désordre, de quelque côté qu’il vînt. Ajoutons que l’état-major du prétendant est passé dans les rangs de l’armée constitutionnelle. Cabrera excepté, tous les généraux carlistes se sont empressés de profiter d’une amnistie qui leur assurait la reconnaissance de leur grades, et les officiers inférieurs ont suivi cet exemple par milliers


Milosch Obrénowitch, ou Coup d’œil sur l’histoire de la Servie de 1813 à 1839, par le prince Michel Milosch Obrénowitch.[1]- Cet écrit est un panégyrique. S’il n’eût été inspiré au prince Michel Obrénowitch que par la piété filiale, il n’y aurait eu qu’à s’incliner devant un sentiment si respectable ; mais, en défendant son père, l’auteur défend aussi un intérêt personnel, l’intérêt de la dynastie que Milosch avait fondée.

Cette dynastie a été renversée du trône princier de Servie, parce qu’elle inclinait trop manifestement du côté des Russes. Aujourd’hui la Russie pèse lourdement sur les peuples du. Danube ; c’est le moment de ramener sur la scène le nom de Milosch, de le faire sonner le plus haut possible devant les populations serbes émues par les événemens. Si le prince Michel Obrénowitch n’a pas obéi à cette préoccupation d’intérêt personnel, il aurait dû choisir d’autres circonstances. Il y aura dans quinze jours sept ans accomplis qu’a paru dans cette Revue le travail plein d’intérêt qu’il prétend réfuter. Il a eu tout le temps d’y répondre, et, s’il n’a voulu profiter de la crise actuelle de l’Orient européen, il pouvait encore ajourner cette réponse. M. Cyprien Robert avec autant de droiture que de science, a raconté (1er mars 1843) l’existence politique

  1. Paris, 1 vol. Chez Franck, rue Richelieu, 67.