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au Dieu de la paix que ce ne fût rien qu’un simple accident de mer. L’amiral Parker était entré dans les Dardanelles comme dans une rade de sauvetage ; cette affaire n’a donc plus été qu’un incident à noter dans le livre de bord de l’être dans l’histoire : tant mieux ! mais il semble que l’amiral Parker, ne pouvant pas être l’homme de grands événemens, soit l’homme de beaucoup de petits incidens, et voilà qu’il entre dans le Pirée, comme il était entré dans les Dardanelles, non plus pour raison de sauvetage, mais pour suivre une sorte de procès en dommages et intérêts. N’est-ce que cela ? C’est une brutalité, et qui, de la part de la puissante Angleterre, à l’égard de la faible Grèce, a l’air de la brutalité d’un homme confie une femme

Le sujet des réclamations de l’Angleterre est misérable, futile : tout le monde le dit de ce côté-ci de la Manche comme de l’autre ; mais quand la cause étant si futile, les moyens d’action sont si grands, cela inquiète d’autant plus. De là mille conjectures : l’Angleterre veut saisir cette occasion d’anéantir le cabotage grec, qui nuit à son commerce ; — l’Angleterre, dans la lutte qu’elle prévoit avec la Russie, veut s’emparer de la Moree, afin de fermer l’Archipel ; — l’Angleterre ne veut pas faire la guerre à la Russie : elle aime mieux partager l’Orient avec la Russie que de le lui disputer, et elle prend déjà ses sûretés contre la Grèce. Conjectures vaines que tout cela, d’où résulte cependant, cette conclusion, qu’en Orient rien n’est indifférent, que tout y est sensible, vulnérable, le Pirée comme les Dardanelles, que tout y peut devenir une cause de guerre, et que ce n’est pas sans raison que l’attention de l’Europe est vivement excitée par l’incident du Pirée.

La commission du budget a enfin terminé ses travaux, et M. Vitef a déposé son rapport sur le chemin de fer de Paris à Avignon. Les discussions de l’assemblée vont d’ici à quelques jours tourner aux finances. C’est pour nous préparer à cette nouvelle phase des délibérations législatives que nous croyons devoir analyser avec quelque détail le rapport de M. Vitet.

On remarque depuis quelque temps, sur plusieurs points de la France, que le socialisme se déplace, qu’il abandonne les localités les plus industrieuses et les plus actives, pour se porter de préférence dans des départemens où le travail est lent à reprendre ; que là où l’industrie s’est réveillée, où les capitaux circulent, où les populations, travaillent la propagande socialiste se sent mal à l’aise, et se voit forcée de fuir dans d’autres lieux, où elle espère rencontrer l’oisiveté et la misère. Ces pérégrinations du socialisme sont un symptôme qui n’est pas à négliger. Elles nous montrent ce que nous avons à faire pour le combattre. Si la propagande socialiste échoue devant, les populations qui travaillent, si elle n’a plus de refuge que dans les localités oisives et misérables, il faut se hâter de rouvrir les usines que la révolution de 1848 a fermées, de rallumer les hauts fourneaux qu’elle a éteints, de faire revivre cette industrie qu’elle a frappée de mort, il faut rendre à la vie industrielle et commerciale ces départemens de l’est et du midi, que les décrets du gouvernement provisoire et les doctrines du Luxembourg ont couverts de ruines. Or, parmi les mesures financières qui semblent appelées à produire ces résultats, il n’en est pas de plus urgente ni de plus généralement réclamée que celle dont l’assemblée vient d’être saisie par le rapport de M. Vitet : nous voulons parler du projet de loi relatif au chemin de fer de Paris à Avignon